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valeur des temps du passif[1]. Les arbres empêchent ainsi les grammairiens et leur public de voir la forêt.

Mais tous les autres enseignements souffrent plus cruellement encore de cet envahissement d’une plante parasite. Les sciences, l’histoire, la morale civique n’ont point aux yeux des commissions d’examen et du public demi-lettré, l’importance de cette partie qu’on croit être l’étude de la langue, et qui doit conduire l’enfant à « savoir son français ».

Il y a plus, et cet enseignement a d’autres défauts que d’être encombrant. Comme tout y est illogique, contradictoire, que, à peu près seule, la mémoire visuelle s’y exerce, il oblitère la faculté de raisonnement, pour tout dire, il abêtit.

À un degré de l’enseignement, où très souvent le défaut régnant est le dogmatisme, il a le vice énorme d’incliner plus encore vers l’obéissance irraisonnée. Pourquoi faut-il deux p à apparaître et un seul à apaiser, il n’y a d’autre réponse que celle-ci : parce que cela est. Et comme les ukases de ce genre se répètent chaque jour, ce catéchisme, à défaut de l’autre, prépare et habitue à la

  1. Demandez à n’importe quel lycéen, même instruit, ce que c’est que cette forme verbale : la bataille est perdue, et si elle est semblable à celle-ci : la terre est encore trop mal cultivée en France. Il vous dira sans hésitation que ce sont là deux indicatifs présents passifs, tout semblables. D’où il résulte que la bataille est perdue correspondrait à l’actif à la phrase on perd la bataille, ce qui est absurde. Voilà des observations qui mériteraient bien d’être faites, je ne sache pas qu’on s’en soit jamais occupé dans une grammaire classique. Oui bien, de l’accord de perdu, cela est important ; ne pas mettre un e, c’est risquer une faute dans une dictée, et tout est là.