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vers des imaginations absurdes, difficiles et incohérentes.

M. Faguet a écrit autrefois très justement : « Beaucoup s’écrient : « Laissez faire à la liberté, et n’imposez pas « la simplification par ukase ». J’avoue que je ne comprends pas. Qu’est-ce que c’est que la liberté en pareille matière ? C’est la fantaisie individuelle. Que chacun écrive à sa manière pendant dix ans, ce n’est pas précisément à une simplification qu’on sera parvenu. Il y aura l’orthographe de M. Daudet et de sa famille, l’orthographe de M. Zola et de son école, l’orthographe de M. Chincholle et de son groupe. Comme l’autre disait : « L’orthodoxie, c’est ma doxie à moi, et je l’appelle eudoxie, puisque je la trouve bonne, chacun dira : « L’orthographe, c’est ma graphe, celle où je mets ma griffe, et cela fera autant de graphes qu’il y aura de griffes. »

En outre, il ne faut point se paître de bayes, peu de gens accepteront de pratiquer cet extrême dédain. La liberté absolue, M. Aulard le sait mieux que personne, substituée d’un coup à la contrainte tyrannique, a peu de chances d’être acceptée de tous. Aussitôt que l’école de l’État se montrera si dédaigneuse de l’orthographe, l’école d’en face ne l’enseignera qu’avec plus de soin, sûre de former des enfants selon le préjugé bourgeois, heureuse d’avoir désormais un caractère extérieur qui lui soit propre, et permette de reconnaître du dehors pour ainsi dire un des siens, un homme dit bien élevé.

Au reste, dans les écoles de l’État, jusqu’à quel âge, jusqu’à quelle classe accordera-t-on la liberté ? L’enseignement primaire seul en jouira-t-il ? Ou bien l’acceptera-