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le rôle du pythagorisme

moins la confiance, ne prétendra pas moins au prestige, qui sont inhérents à l’exactitude et à la précision d’un nombre justement calculé.

Notre langage nous accoutume aujourd’hui à opposer astrologie et astronomie qui, jusqu’au xviie siècle ont navigué de conserve. Il nous faudrait ici deux mots, arithmétique et arithmologie, comme le suggère M. Delatte, l’un des érudits auxquels nous sommes le plus redevables pour la connaissance du pythagorisme. Nous distinguerions ainsi les deux acceptions que comporte le nombre, suivant qu’on s’en sert pour démontrer ou pour éblouir, instrument de calcul ou moyen de mystification. J’insisterai d’ailleurs sur la nécessité de prendre conscience de cette dualité afin de vous inviter à l’effacer provisoirement de votre esprit, pour saisir à sa racine la confusion qui a permis au pythagorisme de se donner son apparence d’unité.

Sous ces réserves, quel que soit l’état d’esprit dans lequel les Pythagoriciens se sont livrés aux recherches d’arithmétique pure, c’est avec une grande émotion que l’historien, abordant ce domaine, enregistre les résultats qu’ils ont atteints. Quiconque y réfléchit ne peut pas ne pas voir l’événement décisif de la civilisation occidentale dans la découverte et dans l’établissement rigoureux d’une méthode incorruptible pour la conquête du vrai, par laquelle il devient manifeste qu’à l’intimité de l’effort d’une pensée dégagée de toute fin utilitaire correspond la joie d’une communion radicalement universelle.

L’intelligence humaine a-t-elle jamais rendu plus transparent son objet, s’est-elle donné meilleur témoignage de la fécondité de son labeur réfléchi, qu’en démontrant une loi comme celle qui explique la génération des nombres carrés, 4, 9, 16, etc. par l’addition successive des chiffres impairs ?

1 + 3 = 4
1 + 3 + 5 = 9
1 + 3 + 5 + 7 = 16