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MÉGATHÉRIUM.

avec les parties les moins dures de l’autre ; les tranchans d’émail (b) agissant par frottement contre l’ivoire (c), et l’émail (b′) contre la croûte corticale (a) dans les dents réciproquement opposées. Ainsi l’acte de la mastication lui-même crée et maintient cette série de coins qui s’engrènent les uns dans les autres, de la même manière que les crêtes saillantes des cylindres opposés dans les moulins à écraser.

C’était donc, comme on le voit, une machine d’une prodigieuse puissance que cette bouche du mégathérium, où seize dents offraient une surface triturante garnie de trente-deux coins semblables, chacune de ces dents elles-mêmes ayant de sept à neuf pouces de long, et s’enchâssant solidement dans une alvéole profonde par la plus grande partie de sa longueur.

Cependant ces dents se seraient promptement usées ; mais une disposition qui n’est pas ordinaire aux dents molaires, et que l’on observe encore parmi les animaux de l’époque actuelle, dans les incisives du castor et des autres rongeurs[1], suppléait à la destruction incessante qu’éprouvait la couronne par l’addition continue de matériaux nouveaux à la racine qui, dans ce but, demeurait creuse et rem-

  1. Les incisives du castor et autres rongeurs, ainsi que les défenses du sanglier et de l’hippopotame, qui n’exigent qu’un bord externe tranchant et nullement une surface destinée à broyer, sont construites d’après le même principe que le bord tranchant d’un ciseau ou d’une doloire : dans ce cas il n’existe de lame d’émail très dure qu’à la face antérieure de l’ivoire dont se composent ces dents, de la même manière que dans les instrumens ci-dessus la face seule qui supporte l’arête tranchante est formée par une lame d’acier unie intimement à une lame de fer doux. Une dent ainsi construite conserve son bord d’émail toujours tranchant, par le frottement même qu’elle exerce contre la dent qui lui correspond et qui est constituée d’après le même principe.