Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/22

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d’abord 6m d’argile gris-vert, puis une couche de gravier, puis de l’argile jaune, puis de l’argile gris-vert. Sa dureté augmentait avec la profondeur.

De cet ensemble de caractères et de faits, il résulte que ce plateau d’argile ne peut être qu’un sédiment alluvial formé par les eaux saumâtres de la Gironde dans des conditions identiques à celles qui régissent actuellement le dépôt des vases du fleuve. L’épaisseur et la compacité de ce banc montrent qu’il est fort ancien. Sa position au-dessous de l’alios le place d’abord au point de vue chronologique à la fin des temps tertiaires ou au début du quaternaire, si toutefois l’on doive assigner à l’alios une date aussi reculée, ce dont nous doutons à la vérité pour le Médoc.

Il s’ensuit que l’estuaire de la Gironde était alors bien plus large qu’aujourd’hui et que le fleuve lui-mémé avait une tout autre importance, puisque la moitié au moins du Médoc était couverte par ses eaux et recevait ses dépôts limoneux. Ce fait est d’ailleurs conforme aux données générales de la Géologie sur la diminution des cours d’eau après la période quaternaire. Seuls les massifs rocheux de Cordouan, de St-Nicolas, de Bégadan, etc., devaient émerger de cette immense nappe d’eau boueuse.

Notons à propos de cet estuaire marécageux qui constituait l’embouchure de la Gironde préhistorique cette opinion affirmée par certains qu’à une époque fort reculée, la Gironde se bifurquait vers Bordeaux en deux bras principaux. L’un était le lit actuel ; l’autre coulait suivant une ligne à peu près droite de Bordeaux à Arcachon avec le bassin de ce nom pour embouchure. Ce second bras occupait l’emplacement actuel du lit de la Devèze. Il a été obstrué et comblé par les sables et ses eaux refoulées ont formé d’un côté la Devèze. Les preuves de cette bifurcation de l’ancien fleuve seraient : 1o l’existence du bassin d’Arcachon qui ne s’expliquerait pas aussi profond qu’il est et communiquant encore avec la mer, s’il n’avait pas été l’embouchure d’un fleuve ; 2o le profil du terrain de Bordeaux à Arcachon, profil qui présente une vallée continue d’un point à l’autre sauf quelques dunes accidentelles et sans importance ; 3o ce fait météorologique que les orages venant de l’ouest crèvent tous sur Bordeaux et n’y arrivent jamais que par deux voies, le fleuve actuel et la ligne d’Arcachon a Bordeaux. C’est cette rencontre et cette concentration d’orages sur la grande cité qui lui donnent son climat si pluvieux.

L’un des projets du canal des deux mers fait aboutir le canal à Arcachon et déverser en partie la Garonne dans le bassin. Cela rétablirait l’ancien état de choses. Le courant du fleuve nettoierait le bassin et empêcherait son envasement. Cette idée n’est d’ailleurs pas neuve. Elle a été exposée dans des rapports officiels il y a plus de cent ans, particulièrement dans les cinq mémoires rédigés de 1778 à 1781 par le baron de Villers, ingénieur de la marine et des colonies.