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d’une décadence qui se faisait vraisemblablement sentir du temps d’Ausone et d’Ammien Marcellin, et à laquelle le voisinage de Bordeaux, métropole de l’Aquitaine, puis les incursions des barbares, contribuèrent énormément. Mais elle n’eut lieu probablement qu’après le IVe siècle, à en juger par ce que rapportent les deux auteurs du commerce médocain à leur époque. Si Ausone ne cite pas Noviomagus dans ses écrits, c’est sans doute que cette ville était déjà en pleine décadence, ou que Domnoton en avait pris la place.

Cette perdition totale de Noviomagus n’en est pas moins étonnante et Ton peut dire avec Dom Maréchaux (N.-D, de la Fin des Terres) : « Cette ville ensevelie dans les flots cause une sorte d’éblouissement et de vertige. On croirait lire le prophète Ezéchiel annonçant à Tyr son châtiment : Cum… adduxero super te abyssum, et operuerint te aquæ multæ. »



Moyen-Age.


Cordouan. — En 731, les Sarrasins se rendirent maîtres de Bordeaux et de l’Aquitaine. Bien que refoulés l’année suivante, à la suite de la bataille de Poitiers, ils ont laissé de nombreuses traces de leur passage en Médoc. Ainsi : des noms propres tels que Sarrasin, Maurin, Hostein (hostis), appliqués à ceux d’entre eux restés dans le pays et à leurs descendants ; des lépreux, dits gahets, qui étaient fréquents chez les Maures ; le château des Sersins ou Cereins (de Sarraceni) près de Vensac ; le type arabe des habitants de Vendays très caractérisé surtout chez les femmes.

Mais ils ont laissé un témoignage autrement apparent de leur éphémère conquête : c’est la tour de Cordouan. Il est tout à fait logique de leur attribuer l’érection de cet édifice. On sait d’abord qu’ils avaient l’habitude d’élever de ces tours, soit comme phares sur les côtes, soit comme postes de vigie pour la sécurité de leurs garnisons, soit dans le but d’y faire des signaux à l’aide de feux. Le Roussillon, par exemple, qui fut longtemps sous leur domination, abonde en tours de ce genre.

À Cordouan, ils avaient un motif de plus pour en élever une, motif que le nom même indique. La Gascogne que nous avons vue en relations de négoce avec le Midi et l’Orient, à l’époque romaine, en avait alors avec l’Espagne et notamment avec Cordoue, pour le commerce du cuir (cordoa, en bas latin). Ce serait là l’étymologie du mot Cordouan.