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est constante en tous lieux pour chaque profondeur, et elle paraît augmenter à mesure que l’on descend. Mais que sont nos travaux en comparaison de ceux qu’il faudrait faire pour reconnaître les degrés successifs de cette chaleur intérieure dans les profondeurs du globe ! Nous avons fouillé les montagnes à quelques centaines de toises pour en tirer les métaux ; nous avons fait dans les plaines des puits de quelques centaines de pieds : ce sont là nos plus grandes excavations, ou plutôt nos fouilles les plus profondes ; elles effleurent à peine la première écorce du globe, et néanmoins la chaleur intérieure y est déjà plus sensible qu’à la surface : on doit donc présumer que si l’on pénétrait plus avant, cette chaleur serait plus grande, et que les parties voisines du centre de la terre sont plus chaudes que celles qui en sont éloignées, comme l’on voit, dans un boulet rougi au feu, l’incandescence se conserver dans les parties voisines du centre longtemps après que la surface a perdu cet état d’incandescence et de rougeur. »

Dans une addition à ce passage des Époques de la nature, Buffon cite les observations de Gensanne, d’Eller, de Dortous de Mairan, relatives à l’élévation de la température dans les mines.

Depuis la fin du xviiie siècle, un très grand nombre d’expériences ont été faites pour établir la quantité dont s’élève la température à mesure que l’on s’enfonce dans le sol, non seulement dans les mines, mais encore dans les puits artésiens, dont quelques-uns atteignent à une grande profondeur et fournissent par suite d’excellents éléments d’étude.

On a d’abord déterminé la profondeur à laquelle les rayons du soleil font sentir leur action calorifique, et l’on sait aussi qu’au delà de 20 à 25 mètres cette action est tout à fait nulle. Des thermomètres placés dans les caves de l’Observatoire de Paris, à une profondeur de 29 mètres, marquent une température de 11°,7 C., tellement constante, que ses variations annuelles elles-mêmes ne sont pas appréciables. « Il est démontré par l’expérience, dit Buffon[1], que la lumière du soleil ne pénètre qu’à six cents pieds à travers l’eau la plus limpide, et que, par conséquent, sa chaleur n’arrive peut-être pas au quart de cette épaisseur, c’est-à-dire à cent cinquante pieds : ainsi toutes les eaux qui sont au-dessous de cette profondeur seraient glacées sans la chaleur intérieure de la terre, qui, seule, peut entretenir leur liquidité. Et de même, il est encore prouvé par l’expérience que la chaleur des rayons solaires ne pénètre pas à quinze ou vingt pieds dans la terre, puisque la glace se conserve à cette profondeur pendant les étés les plus chauds. »

Quand on descend au-dessous du point à température fixe, on voit, au contraire, le thermomètre s’élever d’autant plus que l’on pénètre plus avant dans les entrailles de la terre, sans que les variations de la température extérieure aient sur lui aucune action. On avait cru d’abord que l’élévation était la même,

  1. Époques de la nature, t. II, p. 6.