Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour une profondeur déterminée, dans tous les points du globe ; on voyait dans ce fait un argument nouveau en faveur de l’existence d’un foyer central de chaleur se faisant également sentir dans tous les points de la sphère terrestre, et l’on admettait que le thermomètre s’élevait de 1° C. par chaque 31 mètres, en moyenne. Des recherches plus précises n’ont pas tardé à montrer, au contraire, que le degré de profondeur géothermique, c’est-à-dire le nombre de mètres nécessaires pour obtenir une élévation de 1° C., varie beaucoup d’un point à l’autre du globe. D’après M. Cordier[1], dans certaines mines de la Saxe, on obtient une élévation de 1° C. par chaque 55 mètres, tandis que dans d’autres il faut un nombre de mètres deux ou trois fois plus considérable pour obtenir une élévation de température de 1° C. M. Fox ayant placé un thermomètre dans la mine de Dolcoath, à la profondeur de 421 mètres, obtint, pendant dix-huit mois d’observation, une température moyenne de 20° ; celle de l’atmosphère étant de 10°, l’élévation n’était donc que de 1° pour chaque 22 mètres, 13 mètres de moins que dans les mines de la Saxe. Malgré ces inégalités dans le degré de profondeur géothermique, il n’est pas permis de mettre en doute que le thermomètre s’élève d’autant plus qu’on l’enfonce davantage dans le sol. Il paraît fort naturel d’en conclure, comme on l’a fait, que le centre de la terre, étant en fusion, constitue un foyer de chaleur intense auquel est due l’élévation graduelle du thermomètre qui pénètre dans le sol.

On a cependant opposé à cette conclusion des objections dont l’importance est d’autant plus grande qu’elles viennent d’un homme dont la compétence et l’autorité ne sont mises en doute par personne. « Si, dit Lyell[2], nous adoptons comme résultat moyen l’évaluation de 1° C. par 35 mètres de profondeur, et si nous supposons, avec les partisans de la fluidité du noyau central, que la température continue à s’accroître en descendant jusqu’à une distance indéfinie, nous atteindrons le point d’ébullition de l’eau à plus de 3 218 mètres au-dessous de la surface, et celui de la fusion du fer (plus de 1 500° C. suivant le pyromètre de Daniell) et de presque toutes les substances connues, à la profondeur de 54 716 mètres. S’il est vrai que la chaleur augmente dans la proportion que nous venons d’énoncer, nous devrions rencontrer, à peu de distance, une température plusieurs fois supérieure à celle qui suffit pour fondre les substances les plus réfractaires connues. Dans ce cas, à des profondeurs bien plus considérables, quoique encore très éloignées du noyau central, la chaleur devrait avoir une intensité telle (cent soixante fois celle du point de fusion du fer) qu’il serait impossible de concevoir comment la croûte terrestre peut résister à son action sans se fondre. » Prévoyant une objection qui, en effet, se présente aussitôt à l’esprit, il ajoute : « Peut-être dira-t-on que nous pouvons nous maintenir sur la surface durcie d’un cou-

  1. Mémoires de l’Institut, t. VII.
  2. Principes de géologie, t. II, p. 263.