Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je me suis convaincu par des raisons très solides, et par la comparaison que j’ai faite des expériences sur l’électricité, que le fond de la matière électrique est la chaleur propre du globe terrestre ; les émanations continuelles de cette chaleur, quoique sensibles, ne sont pas visibles, et restent sous la forme de chaleur obscure, tant qu’elles ont leur mouvement libre et direct ; mais elles produisent un feu très vif et de fortes explosions, dès qu’elles sont détournées de leur direction, ou bien accumulées par le frottement des corps. Les cavités intérieures de la terre contenant du feu, de l’air et de l’eau, l’action de ce premier élément doit y produire des vents impétueux, des orages bruyants et des tonnerres souterrains dont les effets peuvent être comparés à ceux de la foudre des airs ; ces effets doivent même être plus violents et plus durables, par la forte résistance que la solidité de la terre oppose de tous côtés à la force électrique de ces tonnerres souterrains. Le ressort d’un air mêlé de vapeurs denses et enflammées par l’électricité, l’effort de l’eau, réduite en vapeurs élastiques par le feu, toutes les autres impulsions de cette puissance électrique, soulèvent, entr’ouvrent la surface de la terre, ou du moins l’agitent par des tremblements, dont les secousses ne durent pas plus longtemps que le coup de la foudre intérieure qui les produit ; et ces secousses se renouvellent jusqu’à ce que les vapeurs expansives se soient fait une issue par quelque ouverture à la surface de la terre ou dans le sein des mers. Aussi les éruptions des volcans et les tremblements de terre sont précédés et accompagnés d’un bruit sourd et roulant, qui ne diffère de celui du tonnerre que par le ton sépulcral et profond que le son prend nécessairement en traversant une grande épaisseur de matière solide, lorsqu’il s’y trouve renfermé.

» Cette électricité souterraine, combinée comme cause générale avec les causes particulières des feux allumés par l’effervescence des matières pyriteuses et combustibles que la terre recèle en tant d’endroits, suffit à l’explication des principaux phénomènes de l’action des volcans : par exemple, leur foyer paraît être assez voisin de leur sommet, mais l’orage est au-dessous. Un volcan n’est qu’un vaste fourneau, dont les soufflets, ou plutôt les ventilateurs, sont placés dans les cavités inférieures, à côté et au-dessous du foyer : ce sont ces mêmes cavités, lorsqu’elles s’étendent jusqu’à la mer, qui servent de tuyaux d’aspiration pour porter en haut non seulement les vapeurs, mais les masses mêmes de l’eau et de l’air ; c’est dans ce transport que se produit la foudre souterraine, qui s’annonce par des mugissements, et n’éclate que par l’affreux vomissement des matières qu’elle a frappées, brûlées et calcinées : des tourbillons épais d’une noire fumée ou d’une flamme lugubre ; des nuages massifs de cendres et de pierres ; des torrents bouillants de lave en fusion, roulant au loin leurs flots brûlants et destructeurs, manifestent au dehors le mouvement convulsif des entrailles de la terre. »