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Enfin, et c’est par là que je terminerai l’exposé des idées de Buffon sur les volcans, il insiste beaucoup sur l’importance du rôle joué par l’eau dans les phénomènes volcaniques. Il signale ce fait important que les volcans n’existent qu’au voisinage des mers, et il en conclut qu’ils n’ont pu se former et produire leur action qu’après que l’eau se fut déposée à la surface de la terre pour y former les mers. Il distingue les volcans terrestres des volcans marins. « Ceux-ci, dit-il[1], ne peuvent faire que des explosions, pour ainsi dire, momentanées, parce qu’à l’instant que leur feu s’allume par l’effervescence des matières pyriteuses et combustibles, il est immédiatement éteint par l’eau qui les couvre et se précipite à flots jusque dans leur foyer par toutes les routes que le feu s’ouvre pour en sortir. » Quant aux volcans de la terre, « ils ont au contraire une action durable et proportionnée à la quantité de matières qu’ils contiennent. » Et il ajoute aussitôt : « Ces matières ont besoin d’une certaine quantité d’eau pour entrer en effervescence, et ce n’est ensuite que par le choc d’un grand volume de feu contre un volume d’eau que peuvent se produire leurs violentes éruptions ; et de même qu’un volcan sous-marin ne peut agir que par instants, un volcan terrestre ne peut durer qu’autant qu’il est voisin des eaux. C’est par cette raison que tous les volcans actuellement agissants sont dans les îles ou près des côtes de la mer, et qu’on pourrait en compter cent fois plus d’éteints que d’agissants ; car à mesure que les eaux, en se retirant, se sont trop éloignées du pied de ces volcans, leurs éruptions ont diminué par degrés et enfin ont entièrement cessé, et les légères effervescences que l’eau fluviale aura pu causer dans leur ancien foyer n’aura produit d’effet sensible que par des circonstances particulières et très rares.

» Les observations confirment parfaitement ce que je dis de l’action des volcans : tous ceux qui sont maintenant en travail sont situés près des mers ; tous ceux qui sont éteints, et dont le nombre est bien plus grand, sont placés dans le milieu des terres, ou tout au moins à quelque distance de la mer ; et quoique la plupart des volcans qui subsistent paraissent appartenir aux plus hautes montagnes, il en a existé beaucoup d’autres dans les éminences de médiocre hauteur.

» La date de l’âge des volcans n’est donc pas partout la même : d’abord il est sûr que les premiers, c’est-à-dire les plus anciens, n’ont pu acquérir une action permanente qu’après l’abaissement des eaux qui couvraient leur sommet ; et ensuite, il paraît qu’ils ont cessé d’agir dès que ces mêmes eaux se sont trop éloignées de leur voisinage ; car, je le répète, nulle puissance, à l’exception de celle d’une grande masse d’eau choquée contre un grand volume de feu, ne peut produire des mouvements aussi prodigieux que ceux de l’éruption des volcans. »

  1. Époques de la nature, t. II, p. 71.