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qu’une certaine quantité d’eau pût pénétrer pour qu’il se produisît une rupture de la partie sus-jacente de la terre et une éruption de matières en fusion, c’est-à-dire un volcan. Un grand nombre de faits tendent à corroborer cette manière de voir.

Il est d’abord certain que l’eau pénètre avec la plus grande facilité dans l’intérieur du globe, à une profondeur très considérable, soit par des fissures, soit même à travers les roches les plus dures. La décomposition des granits par l’eau est une preuve irrécusable entre mille de la faculté qu’a l’eau de traverser toutes les roches, notamment le granit. Il n’est pas moins certain qu’il existe dans l’intérieur de la terre des métaux privés d’oxygène ou n’en contenant qu’une proportion assez faible pour qu’ils soient susceptibles d’en prendre une beaucoup plus considérable. Les sulfures de fer et le sulfure de zinc se trouvent en grande quantité dans le sol ; or, tous les sulfures s’oxydent facilement. Tantôt il ne se forme ainsi que des oxydes métalliques qu’on trouve à l’état d’efflorescence à la surface du minéral ; c’est ainsi que l’ocre et la fleur d’antimoine se produisent à la surface de la stilbine, que la fleur d’arsenic se forme à la surface de la pyrite d’arsenic, etc. Tantôt les sulfures se transforment, sous l’influence de l’oxygène, en sulfates. Le sulfure de fer devient du sulfate de fer, qui lui-même est susceptible de subir de nouvelles oxydations et de se changer en limonite, en mettant en liberté de l’acide sulfurique ; celui-ci attaquant d’autres métaux donnera des sulfates : par exemple, s’il se porte sur des calcaires (carbonate de chaux), il les transformera en gypse (sulfate de chaux). Le sulfure de zinc ou blende s’oxyde facilement, puis donne du sulfate de zinc ; le sulfure de plomb (galène) s’oxyde avec non moins de facilité pour donner du sulfate de plomb. Le sulfure de cuivre (pyrite de cuivre) forme aussi volontiers avec l’oxygène du sulfate de cuivre. Tous ces sulfates sont, comme celui de fer, susceptibles de subir de nouvelles oxydations, et de perdre une partie de leur acide sulfurique qui sert à faire d’autres sulfates. Il est à peine utile d’ajouter que toutes ces oxydations sont accompagnées d’une production de chaleur, et que si les masses de sulfures et celles de l’oxygène qui sont mises en contact sont considérables, leur combinaison est de nature à développer une quantité de chaleur assez grande pour déterminer la fusion des roches voisines. Cette chaleur favorise du reste beaucoup d’autres oxydations et réactions chimiques diverses, qui elles-mêmes produisent une nouvelle quantité de calorique. Un grand nombre de carbonates métalliques se forment sous l’influence des sulfates qui proviennent de l’oxydation des sulfures, l’acide sulfurique abandonne l’oxyde métallique pour prendre la place de l’acide carbonique combiné avec les alcalis et les terres ; l’acide carbonique mis ainsi en liberté se porte alors sur l’oxyde métallique pour former avec lui un carbonate ; c’est ainsi que naissent, dans l’intérieur du sol, l’azurite, la malachite, la céruse, etc.