Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/134

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due de son cours : ces hauteurs formées au-dessus de la surface du fond pourront augmenter encore de plus en plus ; car les eaux qui n’auront que le mouvement du flux déposeront sur la cime le sédiment ordinaire, et celles qui obéiront au courant entraîneront au loin les parties qui se seraient déposées entre deux, et en même temps elles creuseront un vallon au pied de ces montagnes, dont tous les angles se trouveront correspondants, et par l’effet de ces deux mouvements et de ces dépôts le fond de la mer aura bientôt été sillonné, traversé de collines et de chaînes de montagnes, et semé d’inégalités telles que nous les y trouvons aujourd’hui. Peu à peu les matières molles dont les éminences étaient d’abord composées se seront durcies par leur propre poids, les unes formées de parties purement argileuses auront produit ces collines de glaise qu’on trouve en tant d’endroits ; d’autres composées de parties sablonneuses et cristallines ont fait ces énormes amas de rochers et de cailloux d’où l’on tire le cristal et les pierres précieuses ; d’autres faites de parties pierreuses mêlées de coquilles ont formé ces lits de pierres et de marbres où nous retrouvons ces coquilles aujourd’hui ; d’autres enfin composées d’une matière encore plus coquilleuse et plus terrestre ont produit les marnes, les craies et les terres ; toutes sont posées par lits, toutes contiennent des substances hétérogènes, les débris des productions marines s’y trouvent en abondance et à peu près suivant le rapport de leur pesanteur, les coquilles les plus légères sont dans les craies, les plus pesantes dans les argiles et dans les pierres, et elles sont remplies de la matière même des pierres et des terres où elles sont renfermées, preuve incontestable qu’elles ont été transportées avec la matière qui les environne et qui les remplit, et que cette matière était réduite en particules impalpables ; enfin toutes ces matières, dont la situation s’est établie par le niveau des eaux de la mer, conservent encore aujourd’hui leur première position.

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» Le mouvement général du flux et du reflux a donc produit les plus grandes montagnes qui se trouvent dirigées d’occident en orient dans l’ancien continent, et du nord au sud dans le nouveau, dont les chaînes sont d’une étendue très considérable ; mais il faut attribuer aux mouvements particuliers des courants, des vents et des autres agitations de la mer l’origine de toutes les autres montagnes ; elles ont vraisemblablement été produites par la combinaison de tous ces mouvements, dont on voit bien que les effets doivent être variés à l’infini, puisque les vents, la position différente des îles et des côtes ont altéré de tous les temps et dans tous les sens possibles la direction du flux et du reflux des eaux : ainsi il n’est point étonnant qu’on trouve sur le globe des éminences considérables dont le cours est dirigé vers différentes plages ; il suffit pour notre objet d’avoir démontré que les montagnes n’ont pas été placées au hasard, et qu’elles n’ont point été produites par des tremblements de terre ou par d’autres causes accidentelles, mais