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qu’elles sont un effet résultant de l’ordre général de la nature, aussi bien que l’espèce d’organisation qui leur est propre et la position des matières qui les composent. »

J’ai insisté sur cette opinion de Buffon parce qu’elle offre un intérêt considérable non seulement au point de vue de la question spéciale qui nous occupe, mais encore au point de vue beaucoup plus général des causes qui ont agi à la surface de notre globe pour en modifier l’aspect. Nous reviendrons plus bas sur cette deuxième partie de la question.

Dans ses Époques de la nature, Buffon assigne une autre origine à certaines montagnes. Tandis que dans l’Histoire et théorie de la terre il attribuait la formation de toutes ces éminences, grandes ou petites, à l’action lente des eaux de la mer, dans les Époques, il distingue deux sortes de montagnes, ou mieux, deux parties dans la plupart des montagnes : l’une produite par les eaux, l’autre, plus ancienne, tirant son origine des phénomènes dont la surface de la terre a été le siège pendant qu’elle était encore incandescente, mais à l’heure où déjà sa consolidation commençait à se produire.

« Comparons, dit-il[1], les effets de cette consolidation du globe de la terre en fusion à ce que nous voyons arriver à une masse de métal ou de verre fondu, lorsqu’elle commence à se refroidir : il se forme à la surface de ces masses des trous, des ondes, des aspérités ; et au-dessous de la surface, il se fait des vides, des cavités, des boursouflures, lesquelles peuvent nous représenter ici les premières inégalités qui se sont trouvées sur la surface de la terre et les cavités de son intérieur ; nous aurons dès lors une idée du grand nombre de montagnes, de vallées, de cavernes et d’anfractuosités qui se sont formées dès ce premier temps dans les couches extérieures de la terre. Notre comparaison est d’autant plus exacte que les montagnes les plus élevées, que je suppose de trois mille ou trois mille cinq cents toises de hauteur, ne sont, par rapport au diamètre de la terre, que ce qu’un huitième de ligne est par rapport au diamètre d’un globe de deux pieds. Ainsi, ces chaînes de montagnes qui nous paraissent si prodigieuses, tant par le volume que par la hauteur, ces vallées de la mer, qui semblent être des abîmes de profondeur, ne sont dans la réalité que de légères inégalités proportionnées à la grosseur du globe, et qui ne pouvaient manquer de se former lorsqu’il prenait sa consistance : ce sont des effets naturels produits par une cause tout aussi naturelle et fort simple, c’est-à-dire par l’action du refroidissement sur les matières en fusion, lorsqu’elles se consolident à la surface. »

Un peu plus loin[2], pour bien montrer la distinction qu’il établit entre ces montagnes primitives et celles dont il attribue la formation à l’eau, il ajoute : « Ainsi, le premier établissement local des grandes chaînes de montagnes appartient à cette seconde époque, qui a précédé de plusieurs

  1. Époques de la nature, t. II, p. 39.
  2. Ibid., p. 40.