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avec Buffon que c’est le flux et le reflux de la mer qui a produit les éminences de notre globe. Tous les géologues sont, au contraire, d’accord pour voir dans les montagnes des portions du globe terrestre soulevées par un agent d’impulsion sous-jacent à ces éminences, et procédant de bas en haut. C’est aussi, nous l’avons vu, dans une certaine mesure, l’opinion qu’admettait Buffon lui-même dans ses Époques de la nature. Mais Buffon ne faisait porter le soulèvement que sur la charpente des montagnes, et il le datait de la période de refroidissement du globe, tandis que les géologues modernes assignent aux diverses montagnes des âges différents, et admettent que le soulèvement a porté non seulement sur leur charpente, mais encore sur leur masse entière. Quelques détails sur ce sujet ne seront pas inutiles.

L’opinion qui a été pendant longtemps la plus généralement admise, relativement à la formation des montagnes, peut être résumée de la façon suivante : Le centre de la terre étant encore incandescent et fluide, la croûte solide n’ayant qu’une épaisseur relativement minime, il s’est produit, à diverses époques anciennes de l’histoire de notre globe, des affaissements locaux de la croûte terrestre ; la masse fluide centrale, comprimée dans ces points, s’est forcément soulevée en d’autres pour former une montagne ou une chaîne de montagnes, tandis que les parties affaissées formaient des vallées ou même des mers si l’eau venait à les envahir. Si ces soulèvements se sont produits à une époque très reculée, en un point où la mer n’avait pas encore séjourné ou n’avait fait, pour ainsi dire, que passer, la montagne se montre formée uniquement de roches ignées primitives ; si, au contraire, la mer avait régné dans ce point pendant un temps assez long pour qu’elle y eût laissé des dépôts épais de sédiments, ces derniers ont été soulevés par la roche ignée poussée du dedans, et ils la recouvrent plus ou moins complètement. Dans l’un et l’autre cas, la montagne possède une charpente constituée par la roche primitive ; le revêtement seul varie en épaisseur et en étendue. Que l’action du feu central se fasse sentir plus violemment encore, et la montagne elle-même se rompt, se transforme en volcan dont l’orifice donne passage à la substance liquide intérieure. Ajoutons que, d’après les uns, le soulèvement des montagnes aurait été aussi brusque et instantané que violent, tandis que, pour d’autres, il se serait effectué avec une lenteur si grande qu’un observateur même attentif n’aurait pu le percevoir qu’avec de grandes difficultés et par les procédés les plus délicats de la science.

Bientôt même les opinions se divisèrent sur la question de savoir si la charpente des montagnes était réellement constituée par des roches primitives, ou si les matériaux auxquels on avait jusqu’alors attribué cette antique origine n’étaient pas d’une naissance plus obscure et moins reculée. Enfin, on émit des doutes relativement à la cause productrice de ces soulèvements, les uns la cherchant dans le feu central, tandis que d’autres,