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niaient l’existence d’un noyau terrestre en fusion, et la trouvaient dans la présence de cavités superficielles, pleines de matières liquides, dont nous avons déjà parlé à propos des volcans. La dernière de ces opinions est la seule qui nous intéresse en ce moment ; nous reviendrons sur les autres avec plus d’à-propos quand nous étudierons les phases ultérieures de l’évolution du globe et les causes qui ont déterminé les transformations successives de sa surface. Nous pourrons alors mettre davantage en relief les parties de la théorie de Buffon sur la formation des montagnes qui sont en accord ou en désaccord avec les idées modernes.

Il est bien évident que si l’on admet avec Lyell et d’autres géologues l’existence, dans l’épaisseur des régions superficielles du globe, de vastes cavités remplies de matières en fusion, on peut expliquer le soulèvement des montagnes et l’affaissement corrélatif des vallées et des mers avec la même facilité qu’à l’aide du feu central.

On peut donc conclure, à propos des soulèvements et affaissements dont la surface de la terre est le théâtre, comme à propos des volcans et des tremblements de terre, que ces phénomènes n’exigent pas nécessairement l’existence d’un noyau terrestre fluide.

L’hypothèse d’un noyau fluide au centre de la terre. Je dois ajouter que si aucun des phénomènes qui se passent à la surface du globe ne rend indispensable l’hypothèse d’un noyau fluide central, certaines observations et certains calculs paraissent en démontrer la fausseté. L’un des plus illustres mathématiciens de ce siècle, Poisson, a combattu[1] par le calcul l’hypothèse non seulement de la fluidité, mais encore de la haute température attribuée au centre de la terre. Il paraît avoir pertinemment démontré que si la terre s’est refroidie et solidifiée par suite du rayonnement de sa chaleur, c’est son centre qui a dû le premier se refroidir et se solidifier. D’autres calculs aussi exacts qu’il est possible d’en faire sur un semblable sujet ont conduit à des résultats conformes à celui qu’a obtenu Poisson. Hopkins[2], recherchant les variations qui devraient être introduites dans la précession des équinoxes par la plus ou moins grande fluidité ou solidité de la terre, est arrivé à la conclusion que les conditions actuelles de la précession exigent la présence d’une croûte solide extrêmement épaisse. Il résume son opinion de la façon suivante : « On peut se risquer à dire que l’épaisseur minimum de la croûte terrestre, évaluée d’après les observations faites sur la somme du mouvement de précession, ne saurait être inférieure au quart ou au cinquième du rayon de la terre, » c’est-à-dire 1 287 à 1 609 kilomètres. Il importe de faire remarquer avec Lyell que cette évaluation n’est qu’un minimum, et qu’une épaisseur encore plus grande s’accorderait parfaitement avec les conditions dans lesquelles s’effectue actuellement la précession des équinoxes : « ces calculs n’étant pas con-

  1. Poisson, Théorie mécanique de la chaleur.
  2. Voyez Lyell, Principes de géologie, t. II, p. 260.