Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

phants, ainsi que des dents d’hippopotames, non seulement dans les terres du nord de notre continent, mais aussi dans celles du nord de l’Amérique, quoique les espèces de l’éléphant et de l’hippopotame n’existent point dans ce continent du nouveau monde. 5o On trouve dans le milieu des continents, dans les lieux les plus éloignés des mers, un nombre infini de coquilles, dont la plupart appartiennent aux animaux de ce genre actuellement existants dans les mers méridionales, et dont plusieurs autres n’ont aucun analogue vivant, en sorte que les espèces en paraissent perdues et détruites par des causes jusqu’à présent inconnues. »

À l’exemple et à la suite de Buffon, examinons ces faits et ces monuments, contrôlons leur exactitude et recherchons l’usage qu’on en peut faire pour la rédaction de l’histoire de la terre.

Nous avons déjà eu l’occasion de parler de quelques-uns de ces faits. Nous n’y reviendrons pas. Ce serait nous livrer à des répétitions inutiles que de reparler ici de la forme sphéroïdale de la terre, de sa chaleur propre et de celle qu’elle reçoit du soleil. Nous laissons donc ces faits de côté.

Les fossiles. Parmi les autres faits, le plus important, celui dont nous devons nous occuper en premier lieu, est la présence des coquilles et autres débris d’animaux marins « dans l’intérieur de la terre, sur la cime des monts et dans les lieux les plus éloignés de la mer, » jusque « dans l’intérieur des roches et des autres masses de marbre et de pierre dure, aussi bien dans les craies que dans les terres, » et cette circonstance que les coquilles, les squelettes, etc., fossiles, « non seulement sont renfermés dans toutes ces matières, mais qu’ils y sont incorporés, pétrifiés et remplis de la substance même qui les environne. »

Buffon n’est pas le premier qui ait été frappé de la présence des débris d’animaux marins dans des lieux fort éloignés de la mer et jusque sur les plus hautes montagnes. D’autres avaient déjà observé ce fait et s’étaient préoccupés d’en chercher l’explication. C’est lui probablement qui avait servi de base à la légende des déluges partiels admis par les Grecs et les Romains et à celle du déluge universel décrit dans les livres sacrés du peuple juif. C’est aussi par le déluge que la plupart des savants l’expliquaient à l’époque de Buffon.

Bernard Palissy et les fossiles. Cependant, à la fin du xvie siècle, Bernard Palissy avait été conduit par une longue série d’observations à formuler la cause véritable de la présence des fossiles marins dans des points très éloignés de la mer. S’appuyant sur ce que les coquilles et autres débris d’organismes marins se trouvent parfois à des profondeurs considérables et dans des roches dont la formation a dû être très lente, il émit l’opinion que la mer avait autrefois recouvert les terres dans lesquelles se trouvent ces fossiles, et qu’elle avait dû y séjourner pendant une durée bien supérieure à celle qu’on attribue au déluge. Il avait recueilli un véritable musée de fossiles de toutes sortes, récoltés particulièrement dans son pays, la Saintonge, et dans les montagnes des Ardennes.