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l’eau avait autrefois recouvert tous les sommets. Il écrit sur ce sujet, dans ses Notes justificatives des Époques de la nature[1] : « J’ai avancé, d’après l’autorité de Woodward, qui le premier a recueilli ces observations, qu’on trouvait des coquilles jusque sur les sommets des plus hautes montagnes ; d’autant que j’étais assuré par moi-même, et par d’autres observations assez récentes, qu’il y en a dans les Pyrénées et les Alpes à 900, 1 000, 1 200 et 1 500 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer, qu’il s’en trouve de même dans les montagnes de l’Asie, et qu’enfin dans les Cordillères, en Amérique, on en a nouvellement découvert un banc à plus de 2 000 toises au-dessus du niveau de la mer.

» On ne peut donc pas douter que, dans toutes les différentes parties du monde, et jusqu’à la hauteur de 1 500 ou 2 000 toises au-dessus du niveau des mers actuelles, la surface du globe n’ait été couverte des eaux, et pendant un temps assez long pour y produire ces coquillages et les laisser multiplier, car leur quantité est si considérable que leurs débris forment des bancs de plusieurs lieues d’étendue, souvent de plusieurs toises d’épaisseur sur une largeur indéfinie ; en sorte qu’ils composent une partie assez considérable des couches extérieures de la surface du globe, c’est-à-dire toute la matière calcaire qui, comme l’on sait, est très commune et très abondante en plusieurs contrées. Mais au-dessus des plus hauts points d’élévation, c’est-à-dire au-dessus de 1 500 ou 2 000 toises de hauteur, et souvent plus bas, on a remarqué que les sommets de plusieurs montagnes sont composés de roc vif, de granit et d’autres matières vitrescibles produites par le feu primitif, lesquelles ne contiennent en effet ni coquilles, ni madrépores, ni rien qui ait rapport aux matières calcaires. On peut donc en inférer que la mer n’a pas atteint, ou du moins n’a surmonté que pendant un petit temps, ces parties les plus élevées, et ces pointes les plus avancées de la surface de la terre. »

Parlant, un peu plus bas, des Cordillères, dans lesquelles certains auteurs avaient nié l’existence des coquilles fossiles, il cite le témoignage de don Ulloa, qui avait signalé des coquilles sur ces montagnes. Il émet l’opinion que s’il existe quelques montagnes sur lesquelles ces débris d’animaux marins font réellement défaut, il faut l’attribuer, ou bien à ce que les eaux n’y ont séjourné que pendant trop peu de temps pour que les animaux s’y soient habitués, ou bien à ce que les volcans ont détruit les coquilles qu’elles pouvaient contenir. « Si, dit-il[2], les premiers observateurs ont cru qu’on ne trouvait point de coquilles sur les montagnes des Cordillères, c’est que ces montagnes, les plus élevées de la terre, sont pour la plupart des volcans actuellement agissants ou des volcans éteints, lesquels, par leurs éruptions,

  1. T. II, p. 156.
  2. Ibid., t. II, p. 157.