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tions ont été subites » et que je reproduis intégralement[1] : « Mais, ce qu’il est aussi bien important de remarquer, ces irruptions, ces retraites répétées n’ont point toutes été lentes, ne se sont point toutes faites par degrés. Au contraire, la plupart des catastrophes qui les ont amenées ont été subites ; et cela est surtout facile à prouver pour la dernière de ces catastrophes ; pour celle qui, par un double mouvement, a inondé et ensuite remis à sec nos continents actuels, ou du moins une grande partie du sol qui les forme aujourd’hui. Elle a laissé encore, dans les pays du Nord, des cadavres de grands quadrupèdes que la glace a saisis, et qui se sont conservés jusqu’à nos jours avec leur peau, leurs poils et leur chair. S’ils n’eussent été gelés aussitôt que tués, la putréfaction les aurait décomposés. Et, d’un autre côté, cette gelée éternelle n’occupait pas auparavant les lieux où ils ont été saisis ; car ils n’auraient pas pu vivre sous une pareille température. C’est donc le même instant qui a fait périr les animaux, et qui a rendu glacial le pays qu’ils habitaient. Cet événement a été subit, instantané, sans aucune gradation, et ce qui est si clairement démontré pour cette dernière catastrophe ne l’est guère moins pour celles qui l’ont précédée. Les déchirements, les redressements, les renversements des couches plus anciennes ne laissent pas douter que des causes subites et violentes ne les aient mises en l’état où nous les voyons ; et même la force des mouvements qu’éprouva la masse des eaux est encore attestée par les amas de débris et de cailloux roulés qui s’interposent en beaucoup d’endroits entre les couches solides. La vie a donc souvent été troublée sur cette terre par des événements effroyables. Des êtres vivants sans nombre ont été victimes de ces catastrophes : les uns, habitants de la terre sèche, se sont vus engloutis par des déluges ; les autres, qui peuplaient le sein des eaux, ont été mis à sec avec le fond des mers subitement relevé ; leurs races mêmes ont fini pour jamais et ne laissent dans le monde que quelques débris à peine reconnaissables pour le naturaliste. Telles sont les conséquences où conduisent nécessairement les objets que nous rencontrons à chaque pas, que nous pouvons vérifier à chaque instant, presque dans tous les pays. Ces grands et terribles événements sont clairement empreints partout pour l’œil qui sait lire l’histoire dans leurs monuments. »

Remarquons d’abord que dans ce passage, le plus important de tous, au point de vue de la théorie des révolutions, Cuvier semble ne pas considérer toutes les révolutions comme également subites. Il dit que « ces irruptions, ces retraites, n’ont point toutes été lentes », comme s’il admettait que quelques-unes l’ont été ; il dit un peu plus bas que « la plupart des catastrophes ont été subites », comme s’il craignait qu’on lui en montrât de manifestement lentes.

  1. Discours sur les révolutions de la surface du globe, p. 22.