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Quant aux arguments qu’il invoque en faveur de la soudaineté de celles qu’il considère comme « subites », ils sont d’une bien maigre valeur : c’est la présence dans les glaces du Nord d’éléphants encore recouverts de leur chair, de leur peau et de leurs poils ; ce sont « les déchirements, les redressements, les renversements » des couches anciennes ; ce sont enfin « les amas de débris et de cailloux roulés qui s’interposent en beaucoup d’endroits entre les couches solides. »

Nous examinerons la valeur de ces divers faits au point de vue de la théorie des révolutions. Mais, auparavant, je tiens à parler de l’aide puissant que trouva la théorie des révolutions dans l’un des géologues les plus distingués de ce siècle, Élie de Beaumont[1].

Élie de Beaumont et les soulèvements brusques des montagnes. Cet illustre savant admettait : en premier lieu, que les chaînes de montagnes se sont soulevées brusquement ; en second lieu, que chaque soulèvement a été accompagné d’un changement également brusque dans les formations sédimentaires voisines, changement caractérisé par une différence considérable des types organiques ; en troisième lieu, que toutes les chaînes de montagnes soulevées par une même révolution brusque ont une direction constante et sont parallèles les unes aux autres, même lorsqu’elles sont situées dans des contrées très écartées. M. de Beaumont pense, d’ailleurs, comme Cuvier, que l’histoire de la terre se compose de longues périodes de calme interrompues par des révolutions subites : « L’histoire de la terre, dit-il[2], présente, d’une part, de longues périodes de repos comparatif, pendant lesquelles le dépôt de la matière sédimentaire s’est opéré d’une manière aussi régulière que continue ; et, de l’autre, de courtes périodes de violents paroxysmes, pendant lesquelles la continuité de cette action a été interrompue. » C’est pendant les périodes de paroxysmes que se sont produits les soulèvements brusques des montagnes et les phénomènes concomitants indiqués plus haut.

Pour expliquer ses révolutions, Élie de Beaumont admet que la croûte terrestre solide n’a pas une épaisseur de plus de 58 kilomètres et que par suite de son refroidissement graduel, le noyau central et en fusion qu’elle recouvre,

  1. Élie de Beaumont naquit à Caen (Calvados) le 25 septembre 1798. Il est mort dans le même lieu, le 22 septembre 1874. D’abord élève de l’École polytechnique, puis de l’École des mines, il fut chargé, en 1821, par le gouvernement français, d’une série de voyages métallurgiques, à la suite desquels il fut nommé ingénieur des mines (1824). En 1829 il est nommé professeur au Collège de France, puis membre de l’Académie des sciences dont il devient secrétaire général à la mort d’Arago. En 1852, l’empire lui donne un siège de sénateur. Parmi ses travaux les plus remarquables citons : Voyage métallurgique en Angleterre (1827) ; Observations sur les différentes formations qui dans le système des masses séparent la formation houillère de celle du liais (1827) ; Recherches sur quelques-unes des révolutions de la surface du globe (1829) ; Notice sur les systèmes des montagnes ; sa collaboration au Dictionnaire des sciences naturelles de d’Orbigny et à la Carte géologique de la France qui commença en 1825.
  2. Dict. universel d’histoire naturelle, 1852, t. XIII, art. Systèmes de montagnes, p. 272.