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rigoureusement, dit Lyell[1], l’auteur ne saurait exclure les périodes crétacées ou tertiaires de la durée possible de l’intervalle pendant lequel l’exhaussement a pu se produire : car, d’une part, il n’est pas présumable que le mouvement de soulèvement ait eu lieu après la fin de la période crétacée, et tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il s’est manifesté après le dépôt de certaines couches de cette période. D’autre part, bien que l’événement ait eu véritablement lieu avant la formation de toutes les couches tertiaires qui se trouvent actuellement à la base des Pyrénées, il ne s’en suit nullement qu’il ait précédé toute l’époque tertiaire. » À l’appui de ce raisonnement, Lyell invoque un fait qui en met en relief la valeur et l’importance : c’est celui des montagnes de la Sicile, qui ont 600 à 900 mètres de haut et dont le sommet est formé d’un calcaire dans lequel on trouve un grand nombre de coquilles fossiles appartenant à des espèces qui vivent encore de nos jours dans la Méditerranée. Il n’est pas douteux cependant que ces montagnes ont été soulevées à une époque déjà très reculée. L’existence dans la Méditerranée, d’espèces vivantes semblables aux fossiles qu’on trouve au sommet des montagnes de la Sicile, témoigne bien que le soulèvement de ces montagnes n’a pas le moins du monde entraîné la destruction des espèces qui vivaient au moment où il s’est produit. Elle témoigne aussi de la lenteur avec laquelle le soulèvement a dû se faire, puisque ce dernier n’a pas déterminé dans le milieu de modification assez forte et assez brusque pour détruire les animaux.

« Pareillement, dit Lyell[2], la craie des Pyrénées a pu, à quelque époque reculée, être soulevée à une hauteur de plusieurs centaines de mètres, tandis que les espèces que l’on trouve à l’état fossile, dans cette même craie, continuaient à figurer dans la faune de l’océan voisin. En un mot, on ne peut pas supposer que l’origine d’une nouvelle chaîne de montagnes ait mis fin à la période crétacée, et qu’elle ait servi de prélude à un nouvel ordre de choses dans la création animée. » Et le savant géologue anglais conclut[3] : « D’où il suit que tous les faits géologiques fournis par M. de Beaumont peuvent être vrais et incontestables, sans qu’il soit pourtant le moins du monde légitime d’en conclure la simultanéité ou la non-simultanéité du soulèvement de certaines chaînes de montagnes ; » ajoutons, sans qu’il soit davantage légitime d’en conclure que le soulèvement a été brusque et qu’il a déterminé la destruction de tous les organismes vivants au moment où il s’est produit.

J’ai insisté sur ces faits parce qu’ils sont les seuls qui aient pu être invoqués avec quelque apparence de raison en faveur de la théorie des révolutions du globe imaginée par Cuvier. Quant aux arguments de ce dernier, que

  1. Principes de géologie, t. Ier, p. 162.
  2. Ibid., t. Ier, p. 164.
  3. Ibid., t. Ier, p. 165.