Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/179

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j’ai cités plus haut, il suffira de quelques mots pour en montrer le peu de valeur.

Le plus important de tous est représenté par « les déchirements, les redressements, les renversements des couches anciennes[1]. » Après ce que nous venons de dire, il serait inutile d’insister sur ces faits. Je ne veux pas, cependant, les laisser passer sans montrer que, pour expliquer leur production, il n’est nullement nécessaire d’avoir recours à des révolutions violentes et subites. Si lentement que s’effectue le soulèvement d’une montagne, il est bien évident qu’il doit déterminer le redressement des couches au niveau desquelles il se produit ; les plissements, les renversements de couches étant des phénomènes de même ordre que le redressement, attribués par tous les géologues aux mêmes causes, il est bien évident encore qu’ils pourront être produits tout aussi bien par des soulèvements ou des abaissements très lents que par des soulèvements ou des abaissements brusques et violents. N’est-il pas évident encore qu’on peut expliquer la présence « des amas de débris et de cailloux roulés qui s’interposent en beaucoup d’endroits entre les couches solides », sans avoir recours à des révolutions violentes. Les torrents, les fleuves, les glaciers, les vagues de la mer transportent tous les jours des « amas de débris et de cailloux roulés », et les accumulent au-dessus de couches solides, où ils sont plus tard recouverts par d’autres couches destinées à devenir solides. Qu’une plage soit tour à tour abandonnée et recouverte par les eaux de la mer, transformée en haut fond, puis de nouveau en rivage, et elle offrira nécessairement une alternance de couches solides « de débris et de cailloux roulés » qui aura pu être déterminée par des abaissements ou des relèvements successifs du sol aussi lents qu’on voudra les imaginer. Ce deuxième argument n’a donc aucune valeur.

C’est à peine si je crois utile de relever le troisième. De ce que l’on a trouvé dans les glaces des régions polaires des cadavres de grands quadrupèdes, dont la peau et même la chair étaient parfaitement conservées, Cuvier en conclut que l’événement qui les a fait périr a dû être subit, et que cet événement est une révolution du globe. Il faudrait cependant distinguer entre un événement qui enlise brusquement un animal dans de l’eau en voie de congélation et une révolution qui bouleverse la surface du globe. Qu’un bœuf ou un éléphant essaie de traverser un fleuve qui se congèle, il sera tué par le froid, enveloppé par la glace, entraîné par elle vers le Nord, où de nouveaux glaçons se formeront autour de lui ; et s’il parvient à une latitude où la glace ne fond jamais, on pourra, quelques milliers de siècles plus tard, le retrouver aussi intact qu’il l’était le premier jour.

Cuvier fait observer, il est vrai, que l’éléphant étant un animal des régions chaudes, on ne saurait expliquer sa présence dans la glace que par

  1. Voyez plus haut, p. 153.