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centre duquel les îles Kaïmenis, Aphroessa, etc., constituent des cônes secondaires. L’ensemble des îles Santorin ne représente donc pas un soulèvement semblable à celui de montagnes véritables, mais un simple volcan. Il existe, en effet, cette différence entre les montagnes et les volcans, que les montagnes sont produites par un soulèvement des couches qui composaient antérieurement le sol, là où elles se produisent, tandis que les volcans sont, pour ainsi dire, de simples cheminées par lesquelles sortent des matières en fusion qui se déposent sur les terrains préexistants, sans modifier la disposition primitive de ces terrains. « On avait d’abord admis, avec de Buch et A. de Humboldt, que l’activité volcanique déterminait un soulèvement central des roches qui se trouvaient au voisinage du foyer de l’éruption, de manière que les couches de débris, de tufs, de cendres, qui reposaient d’abord horizontalement sur les couches sédimentaires voisines, devaient leur disposition inclinée autour de la cheminée d’éruption à la force d’expansion des produits éruptifs, surtout des gaz. Mais, dans ce cas, les roches sédimentaires formant le substratum des matières volcaniques auraient dû, nécessairement, prendre part au soulèvement, et c’est ce que l’observation n’a pas démontré. On a vu, au contraire, que la position des roches sur lesquelles reposent les cônes d’éruption n’était nullement influencée par les phénomènes volcaniques. Les quartzites et schistes de la région de Laach, comme les quartzites et schistes du mont Élie à Santorin ont entièrement conservé leur situation primitive, malgré les nombreuses éruptions volcaniques qui les ont traversés[1]. »

On ne peut donc établir aucune analogie entre la formation brusque des îles produites par des éruptions volcaniques et le soulèvement des montagnes. Or, toutes les îles dont l’apparition subite ou la disparition ont été consignées dans l’histoire ne sont que des cônes volcaniques analogues à ceux de Santorin. Cela s’applique notamment à l’île Graham, qui fit son apparition en 1831, dans la Méditerranée, entre la côte sud-ouest de la Sicile et la côte d’Afrique. Son émersion fut précédée de secousses de tremblements de terre, d’éruption de fumées, de vapeurs et de scories, et elle affecta très exactement la forme d’un sommet de cratère, de même qu’elle en avait la structure ; après avoir acquis, dans l’espace d’un mois environ, une circonférence de près de 5 000 mètres, elle disparut peu à peu, détruite par les vagues ; deux mois plus tard elle n’avait plus que 700 mètres de circonférence, et bientôt elle ne forma plus qu’un récif sous-marin. Elle n’était composée que de lave et de scories rejetées par un volcan. Cette histoire est, à peu de chose près, celle de l’île Nyoè (île nouvelle), qui, en 1783, fit son apparition dans le voisinage de l’Islande, et disparut l’année suivante, détruite par les vagues.

Des considérations analogues s’appliquent à tous les phénomènes qui ont

  1. Credner, Traité de géologie et de paléontologie, p. 130.