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une transformation tellement subite du climat, que les éléphants ont été tués par un froid survenu brusquement et enveloppés par les premières glaces produites. « C’est le même instant, dit-il, qui a fait périr les animaux et qui a rendu glacial le pays qu’ils habitaient. » À cela il faut répondre que la présence de poils épais sur la peau de certains des grands mammifères trouvés dans les glaces du Nord, indique qu’ils ont vécu dans ces contrées à une époque où elles avaient déjà une température froide. Il suffirait aussi d’admettre que leurs cadavres ont été entraînés par les glaces des fleuves.

Un autre fait a été invoqué en faveur de l’existence, dans les temps anciens, de révolutions brusques et violentes, c’est la présence de rochers souvent très volumineux à des distances parfois énormes des lieux dans lesquels existent des roches semblables, et d’où par conséquent ils ont dû être arrachés. Les partisans des révolutions demandent comment on pourrait expliquer le transport de ces blocs dits erratiques, si l’on n’admet pas qu’ils ont été soulevés et entraînés par des secousses violentes ou par l’irruption non moins violente de grandes masses d’eau. La réponse a été faite à cette question par les observations modernes. Il est aujourd’hui démontré avec la plus rigoureuse exactitude que tous les blocs erratiques ont été entraînés par les glaces. Nous reviendrons plus bas sur cette question.

Aucun des arguments invoqués en faveur de révolutions brusques et violentes dont notre globe aurait été le théâtre ne présente la valeur qui leur a été attribuée par leurs auteurs. On pourrait en ajouter quelques autres, en apparence plus probants. On pourrait, par exemple, invoquer à l’appui de ces révolutions, l’apparition et la disparition brusques de certaines îles dont l’histoire a conservé le souvenir. Parmi les plus importants de ces phénomènes, rappelons l’éruption, au centre du bassin limité par la grande île de Santorin, des petites îles Kaïmenis, qui eut lieu avant et après notre ère. Pline rapporte qu’en l’année 168 avant Jésus-Christ, on vit apparaître l’île « vieille Kaïmeni » ou Hiera (île sacrée) ; en 19 après Jésus-Christ, apparut une autre île (Thia, la divine), qui bientôt fut réunie à la première, dont elle n’était distante que de 250 pas. En 726, la vieille Kaïmeni acquit des dimensions plus grandes ; en 1427, elle s’agrandit encore ; en 1573, une nouvelle île apparut, la Micra-Kaïmeni ou petite île brûlée. En 1650, de violentes perturbations survinrent à peu de distance de Santorin, et il s’éleva un haut fond à 5 600 mètres au nord-est de Théra. De 1707 à 1709, apparut une nouvelle île (Nea Kaïmeni) entre les deux Kaïmenis déjà existantes. Enfin, en février 1866, une nouvelle éruption fut accompagnée de l’apparition d’une nouvelle petite île, à laquelle on a donné le nom d’Aphroessa. En étudiant avec attention l’histoire de l’île de Santorin ou celle des petites îles dont nous venons de parler, on s’assure aisément que les îles principales (Théra, la plus grande, et Therasia plus petite) dont la forme est celle d’un cercle ouvert à l’ouest, représentent le pourtour d’un cône volcanique, au