Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cet ordre les plus significatifs, citons celui dont le delta de l’Indus a été le théâtre en 1819. Un tremblement de terre, qui eut lieu le 16 juin de cette année, se fit sentir sur un espace de plus de 1 600 kilomètres autour de la ville de Bhooj qui fut démolie en totalité ; on le ressentit à Calcutta et à Pondichéry ; le canal oriental de l’Indus, qui sépare la province de Kotch de celle du Sinde et qui n’était pas navigable, n’ayant que 0m,30 de profondeur à la basse mer et 1m,80 à la haute mer, acquit tout à coup une profondeur de 5m,40 aux basses eaux ; toute la région voisine fut transformée en une lagune ou mer intérieure de 5 180 kilomètres carrés, tandis qu’à 8 kilomètres du village de Sindree, la plaine se soulevait en un grand monticule auquel les habitants stupéfaits donnèrent le nom de Ullah Bund (monticule de Dieu), et subissait autour de ce dernier un exhaussement général sensible sur une surface de plus de 25 000 mètres. En 1826, le bras oriental de l’Indus, recevant tout à coup une quantité d’eau infiniment supérieure à celle qu’il offrait d’habitude, se frayait un passage à travers la région soulevée, coupait en deux l’Ullah Bund, situé sur son trajet, et se taillait, dans ce monticule, un lit qui atteignit bientôt plus de 40 mètres de large et plus de 5 mètres de profondeur. En 1826 et 1827, des phénomènes analogues se produisirent dans la Nouvelle-Zélande. Une petite crique, connue sous le nom de Jail, très fréquentée des baleiniers à cause de sa profondeur et de la facilité qu’elle offrait à l’abordage, eut son sol soulevé au point qu’elle fut entièrement convertie en terre ferme. Au Chili, en 1837, à la suite d’un tremblement de terre qui détruisit la ville de Valdivia, on constata, près de l’île Lemus, dans l’archipel des Chonos, un exhaussement de 2m,40 du sol de la mer. Dans le même pays, en 1835, un tremblement de terre, dont les secousses furent ressenties sur un espace ayant 1 600 kilomètres de large, entre Copiapo et Chiloé, et 800 kilomètres de large entre Mendoza et Juan-Fernandez, et qui détruisit plusieurs villes, la terre ferme fut élevée de 1m,20 à 1m,50 dans l’île de Santa-Maria ; à Tubal, l’exhaussement fut de 1m,80. Quelques mois plus tard, on put constater que le sol s’était de nouveau abaissé, mais il ne reprit pas son ancien niveau. À d’autres époques rapprochées de nous, en 1822, par exemple, un exhaussement analogue accompagna, dans le même pays, des tremblements de terre plus ou moins forts. Le plus fort de ces exhaussements et aussi le plus étendu est celui de 1822. Tout l’espace qui s’étend entre le pied des Andes et la mer se souleva. Sur la côte, l’exhaussement fut estimé de 0m,60 à 1m,20 ; à deux kilomètres, il fut, dit-on, de plus de 2 mètres ; on estima que le soulèvement s’était produit sur un espace de près de 3 000 kilomètres carrés.

« Il importe de considérer, dit Lyell, à qui j’emprunte ces faits[1], quelle énorme quantité de changements cette seule convulsion dut occa-

  1. Principes de géologie, t. II, p. 125.