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rapport à Stockholm qui ne serait élevé que de 76 mètres. Or, mille siècles dans l’histoire de la terre ont moins de valeur que mille secondes dans la vie d’un homme. Tandis que certains points de la surface de notre globe s’exhaussent lentement ou par soubresauts brusques, d’autres points subissent des affaissements de même nature. Boussingault[1] a émis l’idée que certaines montagnes des Andes ont diminué de hauteur à une époque récente. Un grand nombre d’îles du Pacifique subissent de nos jours un abaissement graduel, mis en évidence par la façon dont se forment les bancs de coraux qui les environnent. Dans certaines régions du Groenland le même fait est non moins manifeste.

Il est nécessaire de faire remarquer qu’un exhaussement aussi lent peut fort bien se produire sans déterminer une altération notable dans la faune ou la flore des régions qui le subissent. Les faits actuels en témoignent. Il existe en Norvège des plaines ayant une hauteur de 210 mètres dans lesquelles on trouve des coquilles fossiles appartenant à des espèces qui vivent actuellement dans les mers voisines. En Sicile, des montagnes de 600 mètres de haut présentent sur leur sommet des coquilles fossiles d’espèces actuelles. Or, ces plaines de la Norvège et ces montagnes de la Sicile datent d’une époque séparée de nous, sans aucun doute, par plusieurs milliers d’années et peut-être de siècles.

Mode d’action des causes ignées actuelles. Tous les phénomènes d’exhaussement et d’abaissement du sol que nous venons de citer sont évidemment produits par les causes ignées. Il nous reste à examiner la façon dont ces dernières agissent. Je ne reviendrai pas ici sur la question du feu central. Nous avons déjà vu plus haut que tous les phénomènes ayant la chaleur pour cause peuvent être expliqués sans qu’il soit nécessaire d’admettre que le centre de la terre est en fusion ou même à une température très élevée. Il suffit pour cela de supposer que des foyers locaux de chaleur existent en certains points du globe, et nous savons qu’on peut expliquer leur existence par des phénomènes physiques et chimiques semblables à ceux qui se passent tous les jours sous nos yeux. Nous avons déjà dit comment ces foyers agissent pour déterminer les éruptions volcaniques et les tremblements de terre. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que leur action est la même dans les phénomènes de soulèvements brusques dont nous avons cité plus haut des exemples ; nous avons vu, en effet, que ces soulèvements s’étaient toujours produits en même temps que des tremblements de terre très violents. La portion de la croûte terrestre située au-dessus des foyers souterrains se trouve soulevée par la force d’expansion des gaz et des vapeurs lorsque ces derniers ne trouvent pas une issue par la bouche des volcans. Si, plus tard, les gaz fortement dilatés qui ont déterminé le soulèvement parviennent à s’échapper, la région qui avait été soulevée s’affaisse plus ou

  1. Bull. soc. géol. de France, t. VI, p. 56.