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soleil élève au-dessus de la surface des mers, et que les vents transportent dans tous les climats de la terre ; ces vapeurs, soutenues dans les airs et poussées au gré du vent, s’attachent aux sommets des montagnes qu’elles rencontrent, et s’y accumulent en si grande quantité, qu’elles y forment continuellement des nuages et retombent incessamment en forme de pluie, de rosée, de brouillard ou de neige. Toutes ces eaux sont d’abord descendues dans les plaines, sans tenir de route fixe, mais peu à peu elles ont creusé leur lit, et cherchant par leur pente naturelle les endroits les plus bas de la montagne et les terrains les plus faciles à diviser ou à pénétrer, elles ont entraîné les terres et les sables, elles ont formé des ravines profondes en coulant avec rapidité dans les plaines, elles se sont ouvert des chemins jusqu’à la mer, qui reçoit autant d’eau par ses bords qu’elle en perd par l’évaporation[1], et de même que les canaux et les ravines que les fleuves ont creusés ont des sinuosités et des contours dont les angles sont correspondants entre eux, en sorte que l’un des bords formant un angle saillant dans les terres, le bord opposé fait toujours un angle rentrant, les montagnes et les collines qu’on doit regarder comme le bord des vallées qui les séparent ont aussi des sinuosités correspondantes de la même façon ; ce qui semble démontrer que les vallées ont été les canaux des courants de la mer, qui les ont creusés peu à peu et de la même manière que les fleuves ont creusé leur lit dans les terres. »

Après avoir parlé de l’action destructive des pluies et des cours d’eau, nous devons dire quelques mots de celle des glaciers et de celle des glaces de mer ou de rivière.

Actions des glaciers et des glaces. Il faut avoir soin de ne confondre les glaciers ni avec les neiges qui recouvrent le sommet des montagnes d’un manteau pour ainsi dire éternel, ni avec les glaces flottantes des mers polaires.

Les glaciers peuvent être définis des ruisseaux, des rivières et des lacs en grande partie congelés. Ils sont formés par l’eau provenant de la fusion des neiges qui recouvrent les hauts sommets, eau qui s’écoule dans les ravins, les vallons et les vallées des montagnes, se congèle et se durcit sous l’influence de la pression des neiges qui tombent sur sa surface et finit par former de gigantesques fleuves solidifiés, dont la plupart ont, en Suisse, une longueur de 20 à 50 kilomètres et peuvent acquérir, dans les vallées les plus ouvertes, une longueur de 3 à 5 kilomètres sur une épaisseur de 150 à 180 mètres. La surface de ces masses énormes de glace et la neige qui les recouvre fondent en partie pendant le jour ; l’eau qui provient de cette fusion coule dans des rigoles, où elle se congèle de nouveau pendant la nuit, ou filtre à travers les fissures et les pores du glacier jusqu’au-dessous de ce dernier, en entraînant du limon et des graviers, puis s’échappe

  1. Buffon reconnaît lui-même un peu plus bas que toute l’eau évaporée ne revient pas à la mer.