Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

majeure partie des actions destructives produites par les cours d’eau. En 1826, près de Tivoli, pendant une inondation, l’Anio mina, dans l’espace de quelques heures, une haute falaise et élargit son lit d’une quinzaine de mètres. Il est bien évident que des actions violentes de cette nature, se reproduisant à des intervalles de quelques années, hâtent beaucoup le travail de destruction des rivières et rendent fort difficile le calcul du temps qui a pu être nécessaire à un fleuve pour creuser son lit. Les obstacles momentanés apportés au cours d’une rivière ont pour effet non seulement d’augmenter, dans de très fortes proportions, la vitesse et l’intensité du courant, mais encore de lui faire transporter des masses solides, arbres, rochers, pierres, cailloux, qui agissent puissamment sur les berges, les usent, les minent et les renversent.

Un autre phénomène accélère également beaucoup l’action destructive normale des cours d’eau : je veux parler de l’action que les eaux provenant d’un affluent exercent sur les berges de la rivière principale. Il est établi par de nombreuses observations que le lit d’une rivière, au-dessous du point où elle reçoit un affluent, est moindre que les lits des deux cours d’eau réunis ; il en résulte une augmentation de vitesse de l’eau au-dessous de chaque embouchure d’affluent et, par suite, une action plus énergique sur les berges.

Sinuosités des fleuves. Rappelons que le cours des rivières et des fleuves est toujours plus ou moins sinueux. Cela est dû à ce que les terrains dans lesquels les rivières tracent leurs cours ne sont jamais absolument homogènes ; certains points cèdent plus facilement que d’autres et se creusent en anses arrondies qui repoussent l’eau dans une direction opposée ; une nouvelle anse se creuse un peu plus loin, et le cours de la rivière se trouve décrire une série de sinuosités plus ou moins profondes dont les angles rentrants correspondent toujours aux angles saillants. Nous avons vu plus haut que, frappé de ce fait et le rapprochant de la correspondance des angles des chaînes de montagnes qui bordent les vallées étroites, Buffon en avait déduit que les vallées des chaînes de montagnes étaient l’œuvre des courants marins. Nous reviendrons plus bas sur cette opinion.

Opinion de Buffon sur les causes actuelles aqueuses. Tous ces faits montrent combien Buffon avait raison d’attribuer à l’eau de la pluie et des fleuves une action considérable dans les transformations subies par la surface du globe. Certes, ces actions n’auraient pas suffi pour déterminer les changements profonds dont la terre porte les traces ; mais une bonne part de ces derniers peut être mise sur leur compte.

« Ce qui, dit Buffon[1], produit les changements les plus grands et les plus généraux sur la surface de la terre, ce sont les eaux du ciel, les fleuves, les rivières et les torrents. Leur première origine vient des vapeurs que le

  1. Histoire et théorie de la terre, t. Ier, p. 61.