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les substances visqueuses auxquelles on l’avait comparée. Tyndall rejeta donc l’hypothèse de Forbes et il chercha dans une propriété de la glace signalée par Faraday en 1850, sous le nom de regélation, l’explication de la régularité des mouvements des glaciers. Faraday avait constaté que quand on met en contact deux morceaux de glace à la température de zéro, c’est-à-dire dont la surface commence à fondre, la fusion s’arrête immédiatement et les deux morceaux de glace se trouvent soudés par la congélation des points de contact. Ce phénomène se produit même quand on tient les morceaux de glace en contact dans de l’eau chaude pendant une demi-minute. Il observa aussi que, si l’on soumet un grand nombre de morceaux de glace à la presse hydraulique, ils se soudent tous les uns aux autres en un seul bloc auquel on peut faire prendre toutes les formes possibles. Tyndall, appliquant ces faits aux glaciers, conclut : « Il est donc aisé de comprendre comment une substance ainsi douée peut passer, en se comprimant, à travers les gorges des Alpes, s’infléchir de manière à s’ajuster aux sinuosités des vallées, se prêter au mouvement inégal de ses diverses parties, sans, pour cela, présenter aucune trace sensible de viscosité. » Cette opinion est, aujourd’hui, généralement admise par les géologues.

Quant à l’explication des moraines latérales et médianes, elle ne souffre aucune difficulté. Les moraines latérales sont formées par les pierres, les fragments de roches, les graviers, etc., que la glace arrache aux parois du glacier et qu’elle entraîne avec elle. Les moraines médianes sont formées par les moraines latérales de deux glaciers qui convergent l’un vers l’autre, se rencontrent et s’unissent en un seul. Au niveau du point de fusion des deux glaciers, la moraine latérale gauche de l’un se confond avec la moraine latérale droite de l’autre pour former la moraine médiane du glacier unique formé par la réunion des deux glaciers primitifs.

Dans les régions voisines des pôles, les glaciers descendent jusqu’à la mer, y plongent d’abord en suivant le fond, puis sont brisés et divisés en blocs énormes de glace qui flottent à la surface de la mer et qui peuvent atteindre jusqu’à 100 mètres de hauteur au-dessus de son niveau. C’est ce que l’on nomme les montagnes de glace ou icebergs. Ces icebergs transportent souvent des blocs énormes de roches fort loin des terres. On a rencontré des blocs erratiques enchaînés par des îles de glace à près de 200 kilomètres de toute terre. Lorsque la glace fond, ces blocs se déposent sur le sol de la mer. Les îles de glace s’enfonçant beaucoup dans l’eau exercent souvent une action destructive très prononcée sur les roches sous-marines ; elles les déracinent et bouleversent les terrains du voisinage.

Les glaciers sont intéressants au point de vue géologique par les blocs erratiques qu’ils entraînent et déposent sur leur parcours, et par l’usure des roches qu’ils déterminent. C’est à l’aide de ces deux phénomènes qu’on a pu déterminer l’existence, l’étendue et la direction des glaciers anciens,