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le monde connaît l’effet produit à la surface des terrains argileux par la chaleur du soleil ; le sol se fendille, se crevasse ; des fentes de plusieurs centimètres de large et d’un demi-mètre ou même d’un mètre de profondeur s’y forment par le retrait de la terre, privée de l’eau dont elle était imbibée. Qu’une pluie survienne, chacune de ces crevasses et de ces fentes se comporte comme une bouche béante et boit l’eau bienfaisante. Indépendamment des fentes superficielles, il en existe d’autres beaucoup plus larges et plus profondes dans tous les terrains connus, entre les rochers de granit comme dans les strates les plus régulières des carrières de marbre, de calcaire ou d’ardoise. Lorsqu’elles sont perpendiculaires à la direction des couches, on doit les considérer comme produites par la dessiccation de ces dernières. « Il est visible, dit Buffon[1], que ces fentes ont été produites par le dessèchement des matières qui composent les couches horizontales ; de quelque manière que ce dessèchement soit arrivé, il a dû produire des fentes perpendiculaires ; les matières qui composent ces couches n’ont pas pu diminuer de volume sans se fendre de distance en distance dans une direction perpendiculaire à ces mêmes couches. » Les lits des rivières, des lacs et de la mer présentent en beaucoup de points des fentes de cette sorte. Nous avons eu l’occasion, en parlant des volcans, de citer celles qui font communiquer les foyers volcaniques avec la mer, les lacs ou les rivières du voisinage. C’est à elles qu’il faut attribuer la mise à sec de certaines rivières en des points déterminés, tandis qu’au-dessus et au-dessous on trouve encore de l’eau.

Canaux souterrains. Indépendamment de ces fentes, dont un grand nombre doivent pénétrer à des profondeurs considérables, il existe dans le sol de véritables canaux souterrains. H. de Thury a signalé un fait curieux qui témoigne de l’existence de ces canaux. Dans un puits artésien que l’on perforait à Saint-Ouen, la sonde, parvenue à une profondeur de 45 mètres, s’enfonça tout à coup de 30 centimètres, et une grande quantité d’eau jaillit du puits. Il est manifeste qu’on avait rencontré un véritable canal plein d’eau, creusé dans les roches dures. Ces canaux communiquent souvent avec la surface non seulement par des fentes étroites, mais par des ouvertures de dimensions relativement considérables. Les faits suivants en témoignent. En Algérie, on a vu souvent l’eau des puits artésiens amener à la surface des poissons longs de 10 et 15 centimètres, appartenant à des espèces de cyprins, qui vivent dans des étangs ou des lacs, situés à 50 ou 60 kilomètres du point où l’on creusait le puits. Des coquilles, des débris de plantes provenant, sans nul doute, des mêmes étangs ou lacs, étaient également amenés à la surface par l’eau des puits. En 1830, le savant zoologiste Dujardin eut l’occasion d’observer des mollusques, des racines et des graines provenant d’un puits artésien qui avait 109 mètres de profondeur. L’état des graines et des racines indiquait que

  1. Des îles nouvelles, des cavernes, etc., t. Ier, p. 225.