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plus d’un mois ; il y eut des maisons renversées, des roches fendues et déplacées. Le pays de Karst, qui est miné de grottes et de canaux souterrains formés par les eaux, est souvent troublé par des tremblements de terre. Les lacs de Sperensberg, dans le Brandebourg, de Segeberg, en Holstein, ont été formés par des effondrements de terrains calcaires. Dans le pays d’Eisleben, on trouve des bouleversements considérables de couches qui ne peuvent être attribués qu’à des effondrements de même nature.

Sources.
Substances dissoutes par l’eau et ramenée à la surface du sol.
L’action de l’eau n’est pas bornée à ce que nous venons de dire. Elle dissout encore un grand nombre de substances que les sources ramènent ensuite à la surface du globe. Toutes les substances qui entrent dans la composition de notre globe sont suffisamment poreuses pour que l’eau puisse les traverser. Il n’est pas jusqu’aux granits, aux gneiss, aux trachites, qui ne puissent être traversés par l’eau, et même, ainsi que nous le verrons plus bas, désagrégés et détruits par elle. Certaines substances cependant, sans avoir une grande dureté, ne se laissent que difficilement traverser par l’eau. Parmi elles, nous devons citer au premier rang les argiles, parce qu’elles jouent un rôle prépondérant dans la formation des sources. Tant que l’eau qui pénètre dans le sol par filtration ne rencontre que des roches calcaires ou des sables qui sont facilement perméables, elle continue à descendre, en vertu de la pesanteur ; mais vient-elle à rencontrer un lit d’argile, elle est arrêtée dans sa marche descendante. Si l’argile est surmontée d’un lit de sable ou de gravier, l’eau se répand dans ce dernier et forme des nappes d’une étendue égale à la surface de la couche d’argile sous-jacente. L’épaisseur de la nappe augmentant sans cesse, sous l’influence des pluies et par l’infiltration de l’eau des fleuves, des rivières et des ruisseaux, l’eau tend à remonter vers la surface. Comme la couche d’argile n’est jamais parfaitement horizontale, tandis que la surface de la nappe d’eau a une tendance invincible à le devenir, si une fissure ou une fente, même très minime, se présente, l’eau y monte jusqu’à ce qu’elle ait atteint le niveau de la plus grande altitude de la nappe, comme elle se comporterait dans un système de vases communicants. Supposons, par exemple, qu’une couche d’argile s’étale au-dessous de la cuvette dans laquelle Paris est bâti et au-dessus des buttes de Montmartre. Toute l’eau qui s’infiltre dans le sol étant arrêtée par l’argile, formera au-dessus de cette dernière une nappe étendue à la fois sur les hauteurs de Montmartre et dans la cuvette de Paris ; mais le niveau de cette nappe étant beaucoup plus bas dans le dernier point que dans le premier, l’eau aura une tendance invincible à monter à la surface du sol de la cuvette ; elle y apparaîtra, en effet, par toutes les fissures du sol, en formant autant de sources qu’elle rencontrera de fissures, et l’abondance de ces sources sera d’autant plus grande qu’une plus grande quantité d’eau pénétrera par filtration à travers les couches perméables du terrain. C’est ainsi que s’explique la grande quantité et la violence des sources que présentent les régions montagneuses dans lesquelles les