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général, elles sont beaucoup plus fortes dans les détroits, les estuaires et les parties concaves des côtes qu’au niveau des parties saillantes des continents. Dans beaucoup de cas, ces élévations considérables des marées sont dues à l’action des courants ; mais, d’une façon générale, on peut les attribuer à la vitesse acquise de l’eau. Pour nous rendre compte de ce fait, envisageons un point déterminé de l’Océan. Au moment où la lune passe au méridien de ce point, elle attire fortement l’eau des régions voisines ; celles-ci se précipitent avec une vitesse calculable vers le point où la lune exerce le maximum de son influence ; grâce à la vitesse ainsi acquise, les eaux ne s’arrêtent pas dans leur mouvement lorsque la surface s’est mise en équilibre ; elles continuent, au contraire, à se mouvoir dans les directions où elles sont attirées jusqu’à ce que leur vitesse soit détruite par les frottements contre le fond de la mer ou par la pesanteur. S’il se trouve dans ce voisinage une côte à pente douce, elles s’avancent sur elle à une grande distance ; si la côte est à pic, elles s’élèvent contre elle et la frappent avec une grande violence. On peut expliquer ainsi, par la vitesse acquise, non seulement les élévations considérables des marées dont nous avons parlé plus haut et les coups terribles que la mer frappe contre les côtes qui font obstacle à sa marche, mais encore la persistance de l’élévation des eaux après le passage de la lune au méridien. On sait, en effet, que, surtout au moment des syzygies, la mer continue à monter après que la lune a dépassé le méridien. Cette persistance du mouvement ascensionnel après le passage de la lune au méridien est due à la vitesse acquise par la mer. Quant à la hauteur qu’atteignent les marées dans les détroits, les estuaires et toutes les parties des côtes qui offrent des concavités, elle s’explique par ce fait que l’eau, chassée dans ces points par le flux, y rencontrant des obstacles latéraux à sa marche, s’élève nécessairement le long de ces obstacles, de même que l’eau d’un lac s’écoulant par un canal étroit s’élève davantage dans ce dernier que dans le lit du lac.

Avant de parler des actions destructives exercées par les marées sur les côtes de nos continents, il est nécessaire de dire un mot des courants et de leurs causes, parce qu’ils agissent de la même façon que les marées.

Courants marins. Buffon attribuait la production de la plupart des courants au flux et au reflux et leur direction aux inégalités du fond de la mer. Après avoir parlé des inégalités du fond de la mer, il ajoute[1] : « C’est à ces inégalités du fond de la mer qu’on doit attribuer l’origine des courants ; car on sent bien que, si le fond de l’Océan était égal et de niveau, il n’y aurait dans la mer d’autre courant que le mouvement général d’orient en occident, et quelques autres mouvements qui auraient pour cause l’action des vents et qui en suivraient la direction ; mais une preuve certaine que la plupart des cou-

  1. Histoire et théorie de la terre. Des inégalités du fond de la mer, t. Ier, p. 186.