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molle, de gravier et de sable dont les grains sont lavés et arrondis ; on doit y rapporter aussi les couches de pierre qui se sont faites par une espèce de dépôt et d’incrustation : toutes ces couches ne doivent pas leur origine au mouvement et aux sédiments des eaux de la mer. On trouve dans ces tufs et dans ces pierres molles et imparfaites une infinité de végétaux, de feuilles d’arbres, de coquilles terrestres ou fluviatiles, de petits os d’animaux terrestres, et jamais de coquilles ni d’autres productions marines, ce qui prouve évidemment, aussi bien que leur peu de solidité, que ces couches se sont formées sur la surface de la terre sèche, et qu’elles sont bien plus nouvelles que les marbres et les autres pierres qui contiennent des coquilles, et qui se sont formées autrefois dans la mer. Les tufs et toutes ces pierres nouvelles paraissent avoir de la dureté et de la solidité lorsqu’on les tire ; mais, si on veut les employer, on trouve que l’air et les pluies les dissolvent bientôt ; leur substance est même si différente de la vraie pierre que, lorsqu’on les réduit en petites parties et qu’on en veut faire du sable, elles se convertissent bientôt en une espèce de terre et de boue ; les stalactites et les autres concrétions pierreuses, que M. de Tournefort prenait pour des marbres qui avaient végété, ne sont pas de vraies pierres, non plus que celles qui sont formées par des incrustations. Nous avons déjà fait voir que les tufs ne sont pas de l’ancienne formation, et qu’on ne doit pas les ranger dans la classe des pierres. Le tuf est une matière imparfaite, différente de la pierre et de la terre, et qui tire son origine de toutes deux par le moyen de l’eau des pluies, comme les incrustations pierreuses tirent la leur du dépôt des eaux de certaines fontaines : ainsi les couches de ces matières ne sont pas anciennes et n’ont pas été formées, comme les autres, par le sédiment des eaux de la mer ; les couches de tourbe doivent être aussi regardées comme des couches nouvelles qui ont été produites par l’entassement successif des arbres et des autres végétaux à demi pourris, et qui ne se sont conservés que parce qu’ils se sont trouvés dans des terres bitumineuses qui les ont empêchés de se corrompre en entier. On ne trouve dans toutes ces nouvelles couches de tuf, ou de pierre molle, ou de pierre formée par des dépôts, ou de tourbes, aucune production marine, mais on y trouve au contraire beaucoup de végétaux, d’os d’animaux terrestres, de coquilles fluviatiles et terrestres, comme on peut le voir dans les prairies de la province de Northampton, auprès d’Ashby, où l’on a trouvé un grand nombre de coquilles d’escargots, avec des plantes, des herbes et plusieurs coquilles fluviatiles, bien conservées, à quelques pieds de profondeur sous terre, sans aucunes coquilles marines. (Voyez Trans. Phil. Abr., vol. IV, p. 271.) Les eaux qui roulent sur la surface de la terre ont formé toutes ces nouvelles couches en changeant souvent de lit et en se répandant de tous côtés ; une partie de ces eaux pénètre à l’intérieur et coule à travers les fentes des rochers et des pierres ; et ce qui fait qu’on ne trouve point d’eau dans les pays élevés, non plus qu’au-dessus des collines, c’est