Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/225

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ont acquis de la dureté à mesure qu’elles se sont desséchées, et que ce desséchement a produit des fentes perpendiculaires qui traversent les couches horizontales.

» Il n’est pas possible de douter, après avoir vu les faits qui sont rapportés dans les articles x, xi, xiv, xv, xvi, xvii, xviii et xix, qu’il ne soit arrivé une infinité de révolutions, de bouleversements, de changements particuliers et d’altérations sur la surface de la terre, tant par le mouvement naturel des eaux de la mer que par l’action des pluies, des gelées, des eaux courantes, des vents, des feux souterrains, des tremblements de terre, des inondations, etc., et que par conséquent la mer n’ait pu prendre successivement la place de la terre, surtout dans les premiers temps après la création où les matières terrestres étaient beaucoup plus molles qu’elles ne le sont aujourd’hui. Il faut cependant avouer que nous ne pouvons juger que très imparfaitement de la succession des révolutions naturelles ; que nous jugeons encore moins de la suite des accidents, des changements et des altérations ; que le défaut des monuments historiques nous prive de la connaissance des faits : il nous manque de l’expérience et du temps ; nous ne faisons pas réflexion que ce temps qui nous manque ne manque point à la nature ; nous voulons rapporter à l’instant de notre existence les siècles passés et les âges à venir, sans considérer que cet instant, la vie humaine, étendue même autant qu’elle peut l’être par l’histoire, n’est qu’un point dans la durée, un seul fait dans l’histoire des faits de Dieu. »

Si j’ai tant insisté sur l’opinion de Buffon relativement à l’action réparatrice ou, pour mieux dire, édificatrice des eaux, c’est qu’elle contient en germe presque toute la science géologique.

Ainsi que nous l’avons fait pour les causes ignées, nous devons d’abord étudier les actions édificatrices de l’eau qu’il est possible de constater de nos jours ; puis nous rechercherons si, à l’aide de ces actions, il est possible d’expliquer les phénomènes géologiques anciens.

Action édificatrice et réparatrice actuelle de l’eau. L’eau accomplit chaque jour sous nos yeux un nombre considérable d’actions réparatrices ou édificatrices. Chaque jour, tandis qu’elle mine la surface et les bords des continents, elle abandonne dans le fond des mers ou des fleuves, dans les plaines et dans les vallées et sur les côtes, des matériaux destinés soit à agrandir les continents actuels, soit à construire des îles et des continents nouveaux. Nous avons déjà cité plus haut quelques-uns de ces faits empruntés à l’œuvre de Buffon ; nous nous bornerons à en ajouter un petit nombre choisis parmi les plus importants et les mieux contrôlés.

En étudiant l’action destructive de l’eau, nous avons parlé des roches qu’elle dissout soit à la surface, soit dans les profondeurs du sol. L’eau se charge ainsi de matériaux dont elle abandonne une partie dans les profondeurs de la terre, mais dont elle ramène une autre partie à la surface.