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On sait que, après avoir circulé dans ou entre les roches souterraines, l’eau remonte à la surface sous la forme de sources froides ou chaudes. L’observation la plus élémentaire permet de s’assurer que l’eau de ces sources contient toujours une quantité plus ou moins considérable de matières minérales en dissolution ; une partie de ces dernières est entraînée dans les ruisseaux, les rivières et les fleuves où elle se confond avec les substances de même nature prises à la surface du sol par les pluies ou par les eaux courantes, et va se déposer sur les bords ou dans le fond de la mer ; nous en reparlerons plus tard. Une autre partie se dépose sur place, dans le voisinage des sources ; celle-ci est de beaucoup la moins importante, mais elle n’en offre pas moins un grand intérêt, parce qu’elle nous permet de nous rendre compte de la façon dont se sont produites un certain nombre de roches d’origine aqueuse.

Carbonate de chaux déposé par l’eau. J’ai déjà dit plus haut quelques mots des dépôts de carbonate de chaux qui se font autour de certaines sources de l’Auvergne, de la campagne de Rome, etc. J’ai cité les sources de Clermont-Ferrand qui jaillissent de la colline sur laquelle est bâtie la ville et qui sont si riches en carbonate de chaux qu’on les utilise à faire des pétrifications bien connues dans le commerce sous le nom de pétrifications de Sainte-Allyre. J’ai rappelé aussi que l’une de ces sources a déjà déposé une butte de travertin, ou calcaire curiformé, longue de 72 mètres, haute de 4m,50 à l’extrémité et large de 3m,60. Encore dans le département du Puy-de-Dôme, à Chaluzet près de Pont-Gibaud, une autre source, issue d’une roche gneissique, au pied d’un cône volcanique, et à 32 kilomètres de toute roche calcaire, dépose du carbonate de chaux qui offre tous les caractères du calcaire oolithique, c’est-à-dire qu’il est formé de granulations arrondies, ayant le volume d’un grain de millet à celui d’un petit pois, et disposées en couches concentriques autour d’un petit corps étranger, comme un grain de sable ou un fragment de coquille, toutes ces granulations étant unies les unes aux autres par un ciment calcaire homogène. En Italie, dans les Apennins, la vallée d’Esta est bien connue pour les couches de calcaire blanc déposées par les sources sur les flancs des collines où elles se présentent en coulées répondant aux ruisseaux qui les ont déposées. À San-Vignone, les sources ont déposé une couche de travertin qui a plus de 800 mètres de long. La campagne de Rome est très riche en travertins de même nature, également formés par des sources dont l’eau contient un excès de carbonate de chaux. Le travertin de Tivoli est remarquable par l’aspect sphéroïdal des masses calcaires qui le composent. Tous ces faits témoignent de la quantité considérable de carbonate de chaux que l’eau chargée d’acide carbonique dissout dans les profondeurs du sol ; ils nous permettent ainsi de nous rendre compte de la façon dont se sont formées les masses énormes de calcaire qui entrent dans la composition des couches superficielles de notre globe.