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la mer Baltique est plus salée et plus dense dans le fond qu’à la surface. Dans le fond de la mer Morte et dans celui du grand lac Salé de l’Amérique du Nord, il existe des dépôts de sel marin.

Le carbonate de chaux puisé par l’eau des sources dans la profondeur du sol est aussi en majeure partie entraîné dans les fleuves, sur le lit desquels il se dépose. À propos de cette substance, on a soulevé une question de la plus haute importance dont il est nécessaire que nous parlions ici. Quelques naturalistes anciens ont émis l’idée que tout le carbonate de chaux qu’on trouve à la surface de la terre a été fabriqué par les animaux ou les végétaux, surtout par les premiers. D’après cette manière de voir, les organismes vivants opéreraient eux-mêmes la combinaison soit de l’acide carbonique et de l’oxyde de calcium, soit du carbone, de l’oxygène et de l’oxyde de calcium, de laquelle résulte le carbonate de chaux. C’est l’idée que Linné formulait dans l’aphorisme suivant : Non a petrefactis.

D’après le Dr Mac-Culloch[1], les terrains primaires, qui étaient pauvres en animaux à coquilles, renferment beaucoup moins de calcaire que les terrains secondaires, et la quantité de calcaire irait sans cesse en augmentant à mesure qu’on envisage les âges de la terre plus rapprochés de nous.

Carbonate de chaux produit et déposé par les animaux. L’observation de Mac-Culloch est confirmée par tout ce que nous savons de la structure des différents terrains. Partout, la présence du carbonate de chaux paraît être liée à celle des animaux ; et alors même que les tests de ces derniers font défaut, on est tenté d’admettre que les calcaires ont été produits par eux.

Mais la question est de savoir si le carbonate de chaux est produit par les animaux de toutes pièces, à l’aide d’éléments chimiques plus simples puisés dans la nature, ou s’il est pris tout formé par ces êtres dans l’eau, qui, elle-même, l’emprunterait au sol, dans lequel des quantités nouvelles se produiraient sans cesse par combinaison chimique. S’il est vrai, comme l’admet Mac-Culloch et comme l’observation semble le démontrer, que la quantité absolue de ce corps augmente sans cesse à mesure que la terre vieillit, il faut bien admettre qu’il s’en forme chaque jour, par combinaison chimique, des quantités nouvelles. Où se produit cette combinaison ? Est-ce dans le sol ? est-ce dans les tissus des organismes vivants ? Telle est la question qu’il s’agit de résoudre. Ce qui tendrait à faire croire que c’est la première hypothèse qui est vraie, c’est que l’on ne voit pas d’animal ou de végétal fabriquer du carbonate de chaux dans un milieu qui n’en renferme pas. Une poule élevée dans une basse-cour où elle ne peut pas trouver du carbonate de chaux pond des œufs sans coquille calcaire. On remarque, d’autre part, que les points des lacs et des étangs dans lesquels on trouve le plus de coquillages d’eau douce et où se forment des couches de marne coquillière correspondent toujours

  1. Système de géologie, t. Ier, p. 219.