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caractérise de ses beautés les plus frappantes. « Quel blasphème ! » dirait l’ami Chabanon ; je me recommande néanmoins à Mlle Necker, pour lui faire passer ce doux jugement. Il sera furieux et cela l’amusera, et, s’il se fâchait tout de bon, et pour toujours, nous pourrions aussi habiller sa muse d’une forme voisine au-dessous de celle de la Grenouille. »

Il écrit encore à Mme Necker, le 2 janvier 1777 : « Il faut bien qu’il y ait plus de grands écrivains que de penseurs profonds, puisque tous les jours on écrit excellemment sur des choses superficielles. Fénelon, Voltaire et Jean-Jacques ne feraient pas un sillon d’une ligne de profondeur sur la tête massive des pensées des Bacon, des Newton, des Montesquieu. »

Il est manifeste que Buffon ne destinait pas ses lettres à la postérité, différant en cela de la plupart des littérateurs de son temps, qui prenaient grand souci de leur correspondance et apportaient à sa rédaction autant de soin qu’à celle de leurs œuvres les plus considérables.

Il ne parle que rarement à ses amis des événements qui se passent autour de lui et des personnes qu’il fréquente. La plupart de ses lettres appartiennent à la catégorie de celles qu’on peut appeler nécessaires. C’est une commission dont il charge un ami, une réponse à une demande qui lui a été faite, un remerciement pour l’envoi d’un livre ou d’un objet, toujours remis avec un noble désintéressement au Cabinet du Roi, des félicitations à un poète, des instructions à ses collaborateurs, etc. Le style de cette correspondance est bref, sec, quoique souvent empreint de préciosité. Ce défaut est particulièrement saillant dans les seules lettres qui sentent l’application, celles qu’il adresse à Mme Daubenton et à Mme Necker. Quand il écrit à un étranger, il est d’une politesse un peu exagérée ; avec ses amis, il n’est pas beaucoup plus familier, mais la sincérité de son affection éclate dans les moindres mots.

S’il s’occupe des choses du jour, c’est rapidement, en quelques mots, comme un homme qui porte un médiocre intérêt à tout ce qui ne le touche pas directement. Il n’est que rarement question dans sa correspondance des événements politiques ; quand il en parle, c’est avec le ton d’un homme très dégagé de ces sortes de choses. « On représente à l’Opéra le ballet des Sens avec un nouvel acte aussi mauvais que les autres. Il fait une chaleur excessive. Le parlement se rebrouille et avec la cour et avec lui-même. Les princesses vont voir les jeunes gens nager à la porte Saint-Bernard, et la loterie ou la friponnerie de Saint-Sulpice va toujours son train. C’est à peu près là tout ce que je sais de nouvelles, excepté celles du café ; mais on y en débite tant de fausses qu’il y aurait conscience à les écrire ; et, après cela, je les crois moins intéressantes que celles que l’on débite à Dijon dans vos cercles. »

Le 22 octobre 1750 : « Les affaires du clergé font aujourd’hui grand bruit. Tous les honnêtes gens admirent la bonté du Roi et crient contre l’orgueil et