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la désobéissance des prêtres, qui ont refusé nettement de donner la déclaration des biens qu’ils possèdent. Heureusement on tient ferme, et on leur a déjà fait sentir qu’on les y forcerait. Ils sont tous renvoyés et retenus dans leurs diocèses, et comme le Roi est à Fontainebleau, diocèse de Sens, l’archevêque a cru qu’il lui serait permis d’aller comme à l’ordinaire faire sa cour ; mais il a reçu ordre de rester à son archevêché. Je tiens cette nouvelle de son neveu, dont je suis voisin. »

Le 25 juin 1743 : « M. le cardinal est toujours très mal, et tout le monde croit que nous sommes à la veille de le perdre. On parle d’une trêve et de quelques arrangements pour une future paix ; il est à souhaiter que cet avenir ne se fasse pas attendre. »

Le 24 avril 1751 : « On est ici fort occupé du jubilé. L’affaire du clergé pour le vingtième n’est point encore finie ; l’archevêque de Sens et l’évêque d’Auxerre se sont traités comme des fiacres dans leurs mandements. »

En réalité, Buffon ne s’occupe que fort peu, pendant sa longue carrière, des choses étrangères à la science. Le Jardin et le Cabinet du roi, la rédaction de l’Histoire naturelle, ses affaires privées, conduites avec un soin minutieux, ne laissaient aux autres préoccupations qu’une place minime. « L’usage des livres, la solitude, la contemplation des œuvres de la nature, l’indifférence sur le mouvement du tourbillon des hommes sont les seuls éléments de la vie du philosophe, » a-t-il dit dans un de ses discours[1].

Revenons à sa jeunesse : quoiqu’elle fût quelque peu dissipée, il ne paraît pas que, même pendant cette période de sa vie, il attachât aux plaisirs d’autre valeur que celle qu’ils peuvent avoir aux yeux d’un homme jeune, riche et bien portant. En 1732, à vingt-cinq ans, après avoir passé quatre mois à Paris, il écrit à un ami : « Je suis de ces gens un peu extraordinaires pour le goût dans les plaisirs ; je n’en ai par exemple point trouvé aux spectacles, qui me paraissent languir de froideur. La tragédie de Zaïre, de Voltaire, a pourtant eu cinq ou six chaudes représentations ; mais j’aimais mieux en sortir que d’y être étouffé. »

Mme Necker dit de lui[2] : « M. de Buffon a mené dans sa jeunesse toutes les sciences de front ; il n’avait jamais été à Paris à vingt-quatre ans et il écrivait très bien en français ; la curiosité et la vanité ont développé ses talents ; il ne voulait pas qu’un homme pût entendre ce qu’il n’entendait pas lui-même ; il ne voulait rien ignorer de ce qu’il pouvait savoir dans quelque genre que ce fût. »

L’opinion de Mme Necker est confirmée par la rapide fortune scientifique du jeune Buffon. À vingt-six ans, le 3 juin 1733, il est élu membre adjoint

  1. Réponse à M. le maréchal, duc de Duras, le jour de sa réception à l’Académie française, le 15 mai 1775, t. XI, p. 580.
  2. Mélanges, t. III, p. 81.