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structure des atolls et des autres îles à coraux, de la profondeur des mers qui les entourent, etc., certains faits d’observation directe démontrent l’exactitude de la théorie de l’affaissement. C’est ainsi que, dans l’un des groupes des îles Maldives, le lieutenant Prentice, trouva un récif couvert de coraux vivants, ne s’élevant pas au-dessus de la mer, dans un point où existait, quelques années auparavant, un îlot couvert d’herbes et de cocotiers.

Les coraux ne pouvant vivre qu’au-dessous du niveau des marées, il paraît difficile d’expliquer la formation des atolls, dont la partie aérienne, élevée parfois de 10 à 15 mètres au-dessus du niveau de la mer, est entièrement formée de squelettes de coraux. Le fait est expliqué de la façon suivante par Chamisso[1] : « Quand le récif est d’une hauteur telle qu’il se trouve presque à sec au moment de la basse mer, les coraux abandonnent leurs travaux. Au-dessus de cette ligne, on observe une masse pierreuse continue, composée de coquilles de mollusques et d’échinites avec leurs pointes brisées, et des fragments de coraux, cimentés par un sable calcaire provenant de la pulvérisation des coquilles. Il arrive souvent que la chaleur du soleil pénètre cette masse de pierre quand elle est sèche, et y occasionne des fentes en plusieurs endroits ; alors les vagues ont assez de force pour diviser des blocs de coraux qui ont souvent jusqu’à 1m,80 de long sur 0m,90 et 1m,20 d’épaisseur, et pour les lancer sur les récifs, ce qui finit par en élever tellement la crête que la haute mer ne la recouvre, à la marée montante, que pendant quelques saisons de l’année. Le sable calcaire n’éprouve ensuite aucun dérangement, et offre aux graines d’arbres et de plantes que les vagues y amènent un sol sur lequel ces végétaux croissent assez rapidement pour ombrager bientôt sa surface éblouissante de blancheur. Les troncs d’arbres entiers qui sont transportés par les rivières, d’autres pays et d’autres îles, y trouvent enfin un point d’arrêt après leur longue course, et, avec eux, s’introduisent de petits animaux, tels que des insectes et des lézards, qui deviennent les premiers habitants de ces récifs. Même avant que les arbres soient assez touffus pour former un bois, les oiseaux de mer y construisent leurs nids, les oiseaux de terre égarés viennent y chercher un refuge dans les buissons ; et, plus tard enfin, lorsque la transformation est depuis longtemps accomplie, l’homme paraît et bâtit sa hutte sur le sol devenu fertile. »

Il ne faudrait pas croire que les îles de coraux soient formées seulement des squelettes des animaux qui les construisent. Il est, au contraire, indispensable de mettre en relief ce fait que le calcaire qui les constitue est souvent compact et n’offre plus en beaucoup de ses points aucune trace des squelettes des coraux. Cela tient à ce que ces squelettes sont souvent détruits par d’autres animaux, brisés par la mer, réduits en sable calcaire, et même dissous par l’eau riche en acide carbonique qui frappe sans cesse contre les

  1. Kotzebue’s Voy., t. III, p. 231.