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récifs. Le sable calcaire ainsi formé se précipite ensuite sur les rivages de l’île et dans les lagunes, et il est cimenté par le carbonate de chaux qui a été dissous, puis de nouveau précipité.

Ce fait est d’un intérêt de premier ordre au point de vue de l’histoire géologique de notre globe. Ayant constaté par l’observation directe que du calcaire manifestement produit par les coraux, comme celui des atolls du Pacifique, peut n’offrir que très peu ou pas du tout de traces de ces organismes, ne sommes-nous pas autorisés à penser que certaines formations calcaires anciennes offrant des caractères semblables ont une origine analogue ? N’est-il pas, notamment, permis de croire que les couches de calcaire des Alpes, couches qui ont parfois de 500 à 800 et même 900 mètres d’épaisseur, ont été formées comme celles des atolls.

Ces faits nous donnent une idée de l’importance énorme du rôle joué par les animaux dans la formation de notre globe. Tout le calcaire avec lequel les coraux bâtissent leurs squelettes, tout celui qui servait jadis aux ammonites pour la construction de leurs coquilles, dont quelques-unes ont plus d’un mètre de diamètre, tout celui que les innombrables mollusques des mers anciennes et modernes utilisent à l’édification de leurs demeures aux formes indéfiniment variées, tout ce calcaire, dis-je, est pris dans l’eau par les organismes qui s’en servent ; il est ensuite remanié, dissocié, dissous, puis utilisé de nouveau, tandis que de nouvelles quantités se forment sans aucun doute dans l’intérieur du sol par les procédés que nous avons indiqués plus haut. Au rôle si important joue par les coraux dans la formation des couches sédimentaires et calcaires de notre globe, nous pourrions ajouter celui d’un grand nombre d’autres organismes, tels que certaines plantes (corallines, etc.), les mollusques gastéropodes à coquilles calcaires, les échinodermes dont les piquants calcaires forment presque exclusivement certains dépôts anciens, les annélides qui vivent dans des tubes calcaires, etc. Mais ce serait entrer dans des détails déplacés ici. Je ne veux dire qu’un mot d’organismes beaucoup plus infimes et qui, cependant, sont peut-être à l’heure actuelle, comme ils l’ont été dans le passé, les agents les plus puissants de la formation des roches calcaires : je parle des foraminifères, organismes microscopiques du groupe des protozoaires. C’est par milliards qu’ils déposent dans certaines mers leurs squelettes calcaires. Entre l’Irlande, Terre-Neuve et les Açores, le sol de l’Atlantique contient 85 p. 100 de squelettes de ces minuscules organiques. Parmi les calcaires anciens, celui des environs de Paris en est presque entièrement formé, sans parler de celui qui ayant été dissous ou dissocié ne porte plus la trace de ses producteurs.

Dépôts siliceux d’origine animale. Le calcaire n’est pas la seule substance utilisée par les organismes vivants, déposée par eux à la surface du globe et contribuant à former les roches sédimentaires. Un grand nombre d’animaux et de végétaux accu-