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l’idée que certaines espèces d’animaux fossiles n’existent plus de nos jours, mais il a soin d’indiquer que ces espèces lui semblent être très peu nombreuses. Après avoir parlé des ammonites, il dit : « Il en est de même des bélemnites, des pierres lenticulaires et de quantité d’autres coquillages dont on ne retrouve point aujourd’hui les analogues vivants dans aucune région de la mer, quoiqu’ils soient presque universellement répandus sur la surface entière de la terre. Je suis persuadé que toutes ces espèces, qui n’existent plus, ont autrefois subsisté pendant tout le temps que la température du globe et des eaux de la mer était plus chaude qu’elle ne l’est aujourd’hui, et qu’il pourra de même arriver, à mesure que le globe se refroidira, que d’autres espèces actuellement vivantes cesseront de se multiplier et périront, comme ces premières ont péri, par le refroidissement.

» La seconde observation, c’est que quelques-uns de ces ossements énormes, que je croyais appartenir à des animaux inconnus et dont je supposais les espèces perdues, nous ont paru néanmoins, après les avoir scrupuleusement examinés, appartenir à l’espèce de l’éléphant et à celle de l’hippopotame ; mais, à la vérité, à des éléphants et des hippopotames plus grands que ceux du temps présent. Je ne connais dans les animaux terrestres qu’une seule espèce perdue, c’est celle de l’animal dont j’ai fait dessiner les dents molaires avec leurs dimensions ; les autres grosses dents et grands ossements que j’ai pu recueillir ont appartenu à des éléphants et à des hippopotames. »

Trente ans plus tard, dans les Époques de la nature, il émet l’opinion que les espèces les plus anciennes sont celles dont on trouve les restes au sommet des hautes montagnes, que toutes les espèces anciennes étaient plus grandes que celles de nos jours et que certaines espèces des temps primitifs ont disparu, mais il ne pousse pas plus loin dans cette voie. « On peut, dit-il[1], présumer que les coquilles et les autres productions marines que l’on trouve à de grandes hauteurs au-dessus du niveau actuel des mers sont les espèces les plus anciennes de la nature ; et il serait important pour l’histoire naturelle de recueillir un assez grand nombre de ces productions de la mer qui se trouvent à cette plus grande hauteur, et de les comparer avec celles qui sont dans les terrains les plus bas. Nous sommes assurés que les coquilles dont nos collines sont composées appartiennent en partie à des espèces inconnues, c’est-à-dire à des espèces dont aucune mer fréquentée ne nous offre les analogues vivants. Si jamais on fait un recueil de ces pétrifications prises à la plus grande élévation dans les montagnes, on sera peut-être en état de prononcer sur l’ancienneté plus ou moins grande de ces espèces, relativement aux autres. Tout ce que nous pouvons en dire aujourd’hui, c’est que quelques-uns des monuments qui nous démontrent l’exis-

  1. Époques de la nature, t. II, p. 63.