Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/263

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» Mais, pour ne pas perdre le fil des grands et nombreux phénomènes que nous avons à exposer, reprenons ces temps antérieurs, où les eaux jusqu’alors réduites en vapeurs, se sont condensées et ont commencé de tomber sur la terre brûlante, aride, desséchée, crevassée par le feu : tâchons de nous représenter les prodigieux effets qui ont accompagné et suivi cette chute précipitée des matières volatiles, toutes séparées, combinées, sublimées dans le temps de la consolidation et pendant le progrès du premier refroidissement. La séparation de l’élément de l’air et de l’élément de l’eau, le choc des vents et des flots qui tombaient en tourbillons sur une terre fumante ; la dépuration de l’atmosphère, qu’auparavant les rayons du soleil ne pouvaient pénétrer ; cette même atmosphère obscurcie de nouveau par les nuages d’une épaisse fumée ; la cohobation mille fois répétée et le bouillonnement continuel des eaux tombées et rejetées alternativement ; enfin la lessive de l’air par l’abandon des matières volatiles précédemment sublimées, qui toutes s’en emparèrent et descendirent avec plus ou moins de précipitation : quels mouvements, quelles tempêtes ont dû précéder, accompagner et suivre l’établissement local de chacun de ces éléments ! Et ne devons-nous pas rapporter à ces premiers moments de choc et d’agitation les bouleversements, les premières dégradations, les irruptions et les changements qui ont donné une seconde forme à la plus grande partie de la surface de la terre ? Il est aisé de sentir que les eaux qui la couvraient alors presque tout entière, étant continuellement agitées par la rapidité de leur chute, par l’action de la lune sur l’atmosphère et sur les eaux déjà tombées, par la violence des vents, etc., auront obéi à toutes ces impulsions, et que dans leurs mouvements elles auront commencé par sillonner plus à fond les vallées de la terre, par renverser les éminences les moins solides, rabaisser les crêtes des montagnes, percer leurs chaînes dans les points les plus faibles ; et qu’après leur établissement, ces mêmes eaux se seront ouvert des routes souterraines, qu’elles ont miné les voûtes des cavernes, les ont fait écrouler, et que par conséquent ces mêmes eaux se sont abaissées successivement pour remplir les nouvelles profondeurs qu’elles venaient de former : les cavernes étaient l’ouvrage du feu ; l’eau dès son arrivée a commencé par les attaquer ; elle les a détruites, et continue de les détruire encore ; nous devons donc attribuer l’abaissement des eaux à l’affaissement des cavernes, comme à la seule cause qui nous soit démontrée par les faits.

» Voilà les premiers effets produits par la masse, par le poids et par le volume de l’eau ; mais elle en a produit d’autres par sa seule qualité : elle a saisi toutes les matières qu’elle pouvait délayer et dissoudre ; elle s’est combinée avec l’air, la terre et le feu pour former les acides, les sels, etc. ; elle a converti les scories et les poudres du verre primitif en argiles ; ensuite elle a, par son mouvement, transporté de place en place ces mêmes scories, et