Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/264

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toutes les matières qui se trouvaient réduites en petits volumes. Il s’est dont fait dans cette seconde période, depuis trente-cinq jusqu’à cinquante mille ans, un si grand changement à la surface du globe, que la mer universelle, d’abord très élevée, s’est successivement abaissée pour remplir les profondeurs occasionnées par l’affaissement des cavernes, dont les voûtes naturelles, sapées ou percées par l’action et l’effet de ce nouvel élément, ne pouvaient plus soutenir le poids cumulé des terres et des eaux dont elles étaient chargées. À mesure qu’il se faisait quelque grand affaissement par la rupture d’une ou de plusieurs cavernes, la surface de la terre se déprimant en ces endroits, l’eau arrivait de toutes parts pour remplir cette nouvelle profondeur, et par conséquent la hauteur générale des mers diminuait d’autant ; en sorte qu’étant d’abord à deux mille toises d’élévation, la mer a successivement baissé jusqu’au niveau où nous la voyons aujourd’hui. »

Résumons les idées de l’illustre naturaliste : Lorsque la terre a été suffisamment refroidie, la vapeur d’eau s’est précipitée ; elle a couvert en totalité la surface du globe, sauf quelques sommets des plus hautes montagnes[1], émergeant seuls au-dessus de cette « mer universelle », dont les eaux bouillantes virent naître les premiers animaux. Les agitations et les tempêtes de l’océan universel donnent « une seconde forme à la plus grande partie de la surface de la terre », renversent les éminences les moins élevées, creusent des vallées, percent des montagnes, etc. ; l’eau dissout et disperse les matières qui formaient la surface primitive du globe et les abandonne ensuite à l’état d’argiles. Puis elle creuse des cavernes dont les voûtes s’affaissent et dans lesquelles se précipitent une partie des mers. Le niveau de l’océan universel baisse ainsi graduellement « jusqu’au niveau où nous le voyons aujourd’hui ».

Si l’on en excepte l’explication que donne Buffon de l’abaissement de la mer primitive, on peut dire que toute sa théorie est acceptée par la grande majorité des géologues modernes. La plupart admettent encore l’océan universel, d’abord formé d’eau bouillante qui se refroidit par rayonnement dans l’espace, et dans lequel se développèrent les premiers organismes vivants ; mais ils expliquent autrement que Buffon la façon dont les continents se sont montrés au-dessus des eaux de cet océan. Ils supposent généralement que la terre avait d’abord une surface presque entièrement unie et que plus tard certains points se sont soulevés pour former les continents, tandis que d’autres se déprimaient pour constituer les lits des mers. Tous aussi admettent à la suite de Buffon que les matériaux constituant la surface primitive du globe ont été dissociés, dissous, remaniés, déplacés par la mer primitive et déposés en couches qui couvrent partout la surface primitive du globe terrestre.

  1. Nous avons déjà dit que, d’après Buffon, le squelette des montagnes s’était formé, pendant la période du refroidissement de la terre, « comme se forment des boursouflures à la surface d’un morceau de verre fondu ».