Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cubiques, parce que les premières ne pouvant se toucher que par des points, laissent des intervalles égaux à l’espace qu’elles remplissent, tandis que les, parties supposées cubiques peuvent se réunir toutes sans laisser le moindre intervalle, et former par conséquent une matière une fois plus pesante que la première. Et quoique les figures puissent varier à l’infini, il paraît qu’il n’en existe pas autant dans la nature que l’esprit pourrait en concevoir ; car elle a fixé les limites de la pesanteur et de la légèreté : l’or et l’air sont les deux extrêmes de toute densité ; toutes les figures admises, exécutées par la nature, sont donc comprises entre ces deux termes, et toutes celles qui auraient pu produire des substances plus pesantes ou plus légères ont été rejetées.

» Au reste, lorsque je parle des figures employées par la nature, je n’en tends pas qu’elles soient nécessairement ni même exactement semblables aux figures géométriques qui existent dans notre entendement c’est par supposition que nous les faisons régulières, et par abstraction que nous les rendons simples. Il n’y a peut-être ni cubes exacts, ni sphères parfaites dans l’univers ; mais comme rien n’existe sans forme, et que selon la diversité des substances les figures de leurs éléments sont différentes, il y en a nécessairement qui approchent de la sphère ou du cube et de toutes les autres figures régulières que nous avons imaginées : le précis, l’absolu, l’abstrait, qui se présentent si souvent à notre esprit, ne peuvent se trouver dans le réel, parce que tout y est relatif, tout s’y fait par nuances, tout s’y combine par approximation. De même, lorsque j’ai parlé d’une substance qui serait entièrement pleine, parce qu’elle serait composée de parties cubiques et d’une autre substance qui ne serait qu’à moitié pleine, parce que toutes ses parties constituantes seraient sphériques, je ne l’ai dit que par comparaison, et je n’ai pas prétendu que ces substances existassent dans la réalité : car l’on voit par l’expérience des corps transparents, tels que le verre, qui ne laisse pas d’être dense et pesant, que la quantité de matière y est très petite en comparaison de l’étendue des intervalles ; et l’on peut démontrer que l’or, qui est la matière la plus dense, contient beaucoup plus de vide que de plein. » Nous reviendrons tout à l’heure sur ces considérations.

Il reste à décider si l’attraction existe réellement en tant que « propriété générale » de la matière. On l’a admis pendant de nombreuses années avec Newton et Buffon, et quelques savants l’admettent encore, mais je m’empresse d’ajouter que ces derniers deviennent chaque jour de moins en moins nombreux.

Explication moderne de l’attraction. Depuis le commencement du siècle, on a commencé à rechercher quelle pourrait être la cause réelle de l’attraction. Dire avec Newton et Buffon que les corps ou leurs molécules se rapprochent ou s’écartent parce qu’ils sont doués d’une propriété attractive ou répulsive, c’était pour tous les savants