Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réfléchis, imiter le médecin de Molière : opium facit dormire quia proprietatem dormitivam habet. On voulait une explication plus scientifique des phénomènes de l’attraction, et cette explication était d’autant plus nécessaire que l’attraction ne suffisait pas à résoudre tous les phénomènes physiques, chimiques ou astronomiques ; or, ainsi que je l’ai dit plus haut, la tendance de la science moderne est de chercher des causes aussi générales, et, en même temps, aussi simples que possible.

L’éther. C’est cette préoccupation qui a fait imaginer par les physiciens l’existence d’une matière très subtile, impondérable, c’est-à-dire échappant à l’action de l’attraction ou plutôt déterminant tous les phénomènes qui ont été mis sur le compte de cette dernière.

D’après cette manière de voir, aujourd’hui admise, dans ses traits généraux, par tous les physiciens et tous les chimistes, la matière pondérable serait composée d’atomes séparés les uns des autres par cette matière impondérable, à laquelle on a donné le nom d’éther. La gravité et l’affinité seraient « un effet des atomes éthérés qui environnent de toutes parts la matière pondérable et qui la choquent incessamment dans tous les sens : si l’action de ces chocs n’est pas symétrique, c’est-à-dire également énergique dans tous les sens, autour d’une molécule ou d’un corps pondérable, le corps en question se mettra en mouvement dans la direction de la résultante des chocs qui ont la plus grande somme d’énergie ; cette condition se trouve réalisée, quand deux corps pondérables sont en présence l’un de l’autre, et l’inégalité d’intensité des chocs auxquels ils sont alors soumis est dirigée précisément de façon à opérer le rapprochement de ces corps[1]. »

L’attraction expliquée de l’éther. Quand donc nous voyons un corps, jeté en l’air, retomber sur le sol en suivant une ligne qui, prolongée, passerait par le centre de la terre, nous devons conclure, d’après la théorie que nous venons d’exposer, que ce corps subit de la part de l’éther une somme de chocs dont la résultante est une ligne perpendiculaire à la surface du sphéroïde terrestre. Quand nous voyons la terre se mouvoir autour du soleil suivant une ellipse déterminée, nous devons admettre que cette ellipse est la résultante des chocs inégalement énergiques et dirigés en tous sens que la terre subit de la part de l’éther dont elle est environnée. On peut encore, à l’aide de l’éther, expliquer sans difficulté les changements d’état des corps, c’est-à-dire leur passage successif, suivant les conditions auxquelles ils sont exposés, de l’état solide à l’état liquide et gazeux, et inversement de l’état gazeux à l’état liquide et solide. Dans l’état solide, les atomes pondérables sont très énergiquement pressés les uns contre les autres par l’éther qui les environne ; c’est ce que l’on nomme la cohésion des corps solides ; si une force artificielle écarte les molécules de ces corps, ils sont rapprochés de nouveau par la pression de

  1. Wundt, Traité élémentaire de physique médic., p. 67.