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l’idée que les atomes des corps simples pourraient bien être tous constitués d’une même matière ne différant que par la nature de ses mouvements.

L’éther est le seul corps simple de l’univers. Il devait venir à l’esprit des chimistes et des physiciens que ce corps simple unique n’est autre que la substance impondérable à laquelle on a donné le nom d’éther, et dont il a déjà été si longuement question plus haut. Mais, comment expliquer la formation des atomes de la matière pondérable à l’aide des atomes impondérables de l’éther ? Un calcul célèbre de Helmholtz mit sur la voie de cette explication. L’illustre physicien avait démontré que quand une partie d’un fluide est animée d’un mouvement rotatoire, elle conserve tous les caractères de ce mouvement, quels que soient les déplacements qu’on lui fasse subir dans la masse totale du fluide, et il avait donné à cette partie en rotation le nom de tourbillon. Ce tourbillon jouit d’une sorte d’individualité propre qui permet de le distinguer du fluide environnant par les vibrations qu’il présente et par les raies spectrales qu’il fournit. Appliquant ce fait à la matière tout entière, un physicien italien très distingué, dont j’ai déjà cité le nom, M. Félix Marco[1], se demande si Les atomes de la matière pondérable sont des tourbillons d’atomes éthérés. « les atomes de la matière pondérable ne pourraient pas être constitués par de très petits tourbillons existant dans le milieu éthéré, ainsi que nous voyons continuellement s’en produire dans l’eau, et surtout dans l’air, où ils voyagent pendant plusieurs milles sans se perdre » ? Et il ajoute : « En général les trombes sont toujours douées d’un mouvement en tourbillon ; et les observations météorologiques des temps modernes ont mis ce fait en lumière : que les tempêtes sont pareillement toujours le résultat de mouvements en tourbillons qui s’établissent dans l’atmosphère et s’y transportent. Tyndall, dans ses célèbres expériences optiques sur les matières gazeuses[2], voyait se produire avec la plus grande facilité des tourbillons par de petites différences de température des différentes parties des colonnes gazeuses contenues dans ses tubes.

» Or, si ces tourbillons se produisent avec tant de facilité et se conservent dans les liquides pondérables, c’est-à-dire dans les liquides et les gaz, ne pourrait-il pas aussi advenir qu’ils se fussent formés dans des conditions déterminées de chaleur, et qu’ils se conserveront dans cette matière impondérable répandue par tout l’univers, et qu’on appelle éther, pour constituer précisément les éléments de la matière pondérable ? Ainsi l’univers sensible ne serait que le résultat des mouvements vibratoires et en tourbillon qui existent dans la matière unique appelée éther. Les mouvements vibratoires engendrent la lumière et la chaleur, et le mouvement en tourbillon produit la matière pondérable avec toutes ses modifications électriques et magnétiques.

» L’indivisibilité que les chimistes sont forcés d’admettre dans les atomes,

  1. L’unité dynamique, p. 5.
  2. Voyez Les Mondes, t. XXII (1871), p. 574.