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dur qui lui a donné naissance ; cependant, au bout d’un temps plus ou moins long, il aura perdu une nouvelle quantité de chaleur et il se montrera formé de cristaux octaédriques ; enfin, nous pouvons, en lui donnant une grande quantité de chaleur, l’obtenir à l’état de vapeur. Je pourrais passer en revue autant de corps simples ou composés qu’il me plairait de choisir, on les verrait acquérir des propriétés différentes en changeant d’état moléculaire sous l’influence d’une soustraction ou d’une addition de chaleur.

N’est-il pas permis de conclure de ces faits que la différence des propriétés n’est pas un motif suffisant de conclure à la diversité de composition ? Et ne pouvons-nous pas logiquement en déduire qu’un même corps, l’éther, en associant ses atomes de diverses façons, a pu produire tous les corps regardés comme simples par les chimistes. Or, nous savons que par le mélange et la combinaison des corps simples, nous pouvons produire tous les corps composés de l’univers, corps se manifestant à nous par des propriétés physiques et chimiques différentes.

Faisons un pas de plus dans cette voie. En s’appuyant sur leurs propriétés ainsi que sur la nature et le nombre de leurs éléments constituants, on a divisé tous les corps composés que nous connaissons en deux grands groupes, sous les noms de corps inorganiques et corps organiques. Les premiers peuvent être dépourvus de carbone, les seconds en contiennent toujours ; les premiers sont relativement stables, c’est-à-dire qu’ils ne se décomposent que difficilement ; les seconds sont instables, ils se décomposent avec une très grande facilité. Les uns et les autres peuvent être formés de deux, de trois ou d’un nombre plus grand et très variable d’éléments simples ou composés. Dans les corps organiques cependant, il n’entre, en général, qu’un petit nombre de corps simples ; le carbone et l’hydrogène, qui ne font jamais défaut, suffisent, avec l’azote et l’oxygène (auxquels s’ajoutent parfois le fer, le soufre et le phosphore), pour former un nombre indéfini de corps organiques qui diffèrent les uns des autres, soit par la quantité d’atomes de chacun d’eux, soit par le mode d’arrangement de ces atomes.

Les propriétés de ces corps sont d’autant plus variées et leur tendance à subir des modifications est d’autant plus grande que le nombre des atomes constituant la molécule est plus considérable et que leur arrangement est plus complexe. Ainsi, les propriétés d’un corps organique binaire, dont la molécule contient seulement des atomes de carbone et d’hydrogène, sont moins nombreuses et moins variées que celles d’un corps ternaire dont la molécule renferme du carbone, de l’hydrogène et de l’oxygène ; la stabilité de la molécule ternaire est également moindre que celle de la molécule binaire. De même les corps formés des quatre éléments : carbone, hydrogène, oxygène et azote, corps parmi lesquels figurent les substances organiques les plus complexes, celles qui ont reçu le nom de matières albuminoïdes, les substances quaternaires, dis-je, sont encore moins stables que toutes les précédentes et jouissent de