Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des êtres organisés ; mais cette même matière active opère encore comme cause efficiente la figuration des minéraux : elle seule par son activité différemment dirigée, suivant les résistances de la matière inerte, peut donner la figure aux parties constituantes de chaque minéral, et il ne faut qu’un très petit nombre de molécules organiques pour imprimer cette trace superficielle d’organisation dans le minéral, dont elles ne peuvent travailler l’intérieur ; et c’est par cette raison que ces corps étant toujours bruts dans leur substance, ils ne peuvent croître par la nutrition comme les êtres organisés, dont l’intérieur est actif dans tous les points de la masse, et qu’ils n’ont que la faculté d’augmenter de volume par une simple agrégation superficielle de leurs parties. »

Le « moule intérieur » de Buffon. Quant à la forme des animaux et des végétaux, Buffon l’attribue à ce qu’il appelle le « moule intérieur ». « Le germe de l’animal ou du végétal étant, dit-il[1], formé par la réunion des molécules organiques avec une petite portion de matière ductile, ce moule intérieur, une fois donné et bientôt développé par la nutrition, suffit pour communiquer son empreinte, et rendre sa même force à perpétuité par toutes les voies de la reproduction et de la génération, au lieu que, dans le minéral, il n’y a point de germe, point de moule intérieur capable de se développer par la nutrition, ni de transmettre sa forme par la reproduction. »

Les commentateurs de Buffon ont beaucoup raillé son « moule intérieur », sans doute parce qu’ils ont pris ce terme avec sa signification grammaticale. Il est bien manifeste, d’après le passage ci-dessus, que sous la plume de Buffon il indique la forme de l’espèce animale ou végétale, l’ensemble des caractères qui se transmettent par la reproduction et qui se développent en même temps que l’animal ou le végétal, grâce à la nutrition. Mais Buffon est dans l’erreur quand il refuse ce « moule intérieur » aux corps non vivants, aux minéraux. Chaque espèce de minéral présente, en effet, comme les espèces animales et végétales, un ensemble de caractères morphologiques, chimiques, physiques, etc.. absolument constants. Ainsi, le sel marin cristallise toujours en cube, et les cubes s’accolent toujours les uns aux autres, de manière à former des pyramides quadrangulaires, creuses à l’intérieur et à parois formant des gradins, tandis que le sulfate de soude cristallise toujours en prismes allongés, à quatre pans, terminés par des pyramides. Nous montrerons plus bas que le minéral ou, pour parler comme Buffon, le « moule intérieur » de chaque minéral est susceptible de s’accroître par des procédés assez analogues à la nutrition des animaux et des végétaux.

Résumé des idées de Buffon sur l’origine de la matière vivante. En résumé, Buffon admet que certaines parties de la matière brute se sont transformées en molécules organiques, que celles-ci forment par leur alliance avec la matière brute la matière ductile, et que le corps des ani-

  1. Discours sur la figuration des minéraux, t. II, p. 467.