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effet, à la matière accessoire cette règle, et qui la contraigne à arriver également et proportionnellement à tous les points de l’intérieur, si ce n’est le moule intérieur ? » Il nous montre ensuite le « moule intérieur » s’accroissant par intussusception de la matière venue du dehors.

« Il nous paraît donc certain, dit-il, que le corps de l’animal ou du végétal est un moule intérieur qui a une forme constante, mais dont la masse et le volume peuvent augmenter proportionnellement et que l’accroissement, ou, si l’on veut, le développement de l’animal ou du végétal, ne se fait que par l’extension de ce moule dans toutes ses dimensions extérieures et intérieures, que cette extension se fait par l’intussusception d’une matière accessoire et étrangère qui pénètre dans l’intérieur, qui devient semblable à la forme et identique avec la matière du moule. »

Il se demande ensuite « de quelle nature est cette matière que l’animal ou le végétal assimile à sa substance ? Quelle peut être la force ou la puissance qui donne à cette matière l’activité et le mouvement nécessaires pour qu’elle pénètre le moule intérieur ? » Et il ajoute : « S’il existe une telle puissance, ne serait-ce pas par une puissance semblable que le moule intérieur lui-même pourrait être reproduit ? »

À la première question, il répond : « Nous ferons voir qu’il existe dans la nature une infinité de parties organiques vivantes, que les êtres organisés sont composés de ces parties organiques, que leur production ne coûte rien à la nature, puisque leur existence est constante et invariable, que les causes de destruction ne font que les séparer sans les détruire : ainsi, la matière que l’animal ou le végétal assimile à sa substance est une matière organique qui est de la même nature que celle de l’animal ou du végétal, laquelle par conséquent peut augmenter la masse et le volume sans en changer la forme et sans altérer la qualité de la matière du moule puisqu’elle est en effet de la même forme et de la même qualité que celle qui le constitue ; ainsi dans la quantité d’aliments que l’animal prend pour soutenir sa vie et pour entretenir le jeu de ses organes, et dans la sève que le végétal tire par ses racines et par ses feuilles, il y en a une grande partie qu’il rejette par la transpiration, les sécrétions et les autres voies excrétoires, et il n’y en a qu’une petite portion qui sert à la nourriture intime des parties et à leur développement : il est très vraisemblable qu’il se fait dans le corps de l’animal ou du végétal une séparation des parties brutes de la matière des aliments et des parties organiques, que les premières sont emportées par les causes dont nous venons de parler, qu’il n’y a que les parties organiques qui restent dans le corps de l’animal ou du végétal, et que la distribution s’en fait au moyen de quelque puissance active qui les porte à toutes les parties dans une proportion exacte, et telle qu’il n’en arrive ni plus ni moins qu’il ne faut pour que la nutrition, l’accroissement ou le développement se fasse d’une manière à peu près égale. »