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Ainsi, formation spontanée de la matière vivante, génération spontanée des premiers organismes et d’un grand nombre d’organismes inférieurs actuels, nutrition, développement et reproduction ramenés à des phénomènes purement physiques et chimiques ou, si l’on veut, mécaniques, telle est, dans son essence, la doctrine de Buffon.

Il importe de rechercher quelles modifications les découvertes récentes de la science ont fait subir à cette doctrine, soit au point de vue général, soit au point de vue particulier de chacune de ses parties.

La cellule. Le lecteur a dû être frappé de ce fait que dans les nombreuses et longues citations que j’ai faites des mémoires de Buffon sur la génération, il n’y a pas un seul mot relatif à l’organisation intime des végétaux et des animaux. Le naturaliste du xviiie siècle parle bien de « molécules organiques », de « particules vivantes », de « parties semblables au tout » existant en nombre plus ou moins considérable dans le corps des animaux et des végétaux, mais il ne fait allusion ni à leurs tissus, ni aux parties plus élémentaires encore dont sont formés les tissus. On n’avait, en effet, à son époque, aucune idée de l’organisation élémentaire des êtres vivants. L’anatomie des animaux était dans l’enfance, celle des végétaux n’était même pas entrevue ; on ne connaissait que très imparfaitement les organes de la plupart des animaux inférieurs, et c’est seulement au début de ce siècle que Bichat, le premier, devait décomposer les organes en tissus et réunir ces derniers en « systèmes » d’après leurs ressemblances physiques et physiologiques.

Buffon se montre cependant plus ignorant de ces questions qu’il n’aurait pu l’être, s’il eût été plus au courant des travaux publiés à l’étranger sur l’organisation des plantes. Dès 1667, en effet, un Anglais, Robert Hooke[1], avait signalé la structure du liège ; il avait vu que ce tissu offre des cavités très régulières, séparées par des cloisons solides. De là à la notion des cellules, il y avait loin sans doute ; mais Malpighi, en Italie, et Grew, en Angleterre, n’avaient pas tardé à faire un pas de plus en avant. Ils posèrent les bases de l’anatomie microscopique des plantes ; ils montrèrent qu’on trouve dans les organes de ces êtres des cavités et des corpuscules qui doivent en être considérés comme les éléments fondamentaux. Au début du xviie siècle, Leeuwenhoek vit les spermatozoïdes et les globules du sang, et décrivit un grand nombre d’organismes inférieurs. Mais toutes ces découvertes furent faussées par les spéculations purement théoriques dans lesquelles Buffon tomba en imaginant ses particules vivantes. Organismes inférieurs, spermatozoïdes, animalcules et végétaux microscopiques, éléments constituant des organes des animaux et des végétaux, sont réunies par le savant naturaliste sous la dénomination commune de « par-

  1. Micrographia, or some physiological descriptions of minute bodies made by magnifying glasses. (London, Roy. Soc., 1667.)