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ne sera guère éloigné de l’époque où il pourra faire la synthèse de ces matières.

En attendant, nous pouvons admettre, sans crainte de commettre la moindre erreur, que ces quatre corps : carbone, azote, hydrogène, oxygène, ont pu et peuvent peut-être encore se rencontrer au sein de la nature, dans des conditions telles, que leur combinaison s’effectue suivant les proportions exigées pour la constitution des matières albuminoïdes.

Ces dernières, une fois produites, rien ne s’oppose à ce qu’elles s’unissent entre elles et avec de l’eau et des sels minéraux, pour former le protoplasma qui constitue tous les êtres vivants.

Enfin, si j’ajoute qu’un simple changement d’état moléculaire produit soit par l’élévation, soit par l’abaissement de la température au delà d’une certaine limite, suffit pour faire passer le protoplasma de l’état de vie à l’état de mort, on comprendra facilement que nous puissions admettre que le protoplasma, en se formant par l’association des matières albuminoïdes dans des conditions déterminées, ait pu se trouver dans l’état moléculaire spécial auquel correspondent les phénomènes qui caractérisent ce que nous nommons la vie.

Quant à ceux qui prétendraient réfuter cette hypothèse en nous mettant au défi de fabriquer de toute pièce soit un animal, soit un végétal aussi inférieur que possible, il nous est facile de leur répondre qu’ils tombent dans la même erreur que ceux qui, il y a deux cents ans, auraient nié la possibilité de la production spontanée de l’eau dans la nature, en se fondant sur ce que leurs contemporains étaient incapables de fabriquer ce corps. Nous ignorons comment les matières albuminoïdes et le protoplasma vivant ont pu être formés, comme il y a deux siècles on ignorait la façon dont l’eau avait pu apparaître sur notre globe ; mais nous avons trop de confiance dans la science pour désespérer de l’apprendre un jour.

Cette manière de voir est tellement répandue parmi les savants de notre époque, que deux hypothèses importantes et très séduisantes ont déjà été émises en vue d’expliquer la genèse des matières albuminoïdes et du protoplasma. Le lecteur trouvera bon, sans doute, que j’en résume ici les traits principaux ; nous ne sortirons pas du cadre de cette étude et nous aurons fait un pas de plus vers la solution des questions que nous avons posées tout à l’heure.

D’après l’une des deux hypothèses auxquelles je viens de faire allusion, il se serait d’abord produit, à la surface de notre globe, à l’aide des corps purement inorganiques, des corps organiques ternaires, c’est-à-dire contenant du carbone, de l’hydrogène et de l’oxygène, et parmi ces corps surtout des hydrates de carbone. L’azote, en s’ajoutant à ces corps ternaires, aurait déterminé la production des substances quaternaires et des matières albuminoïdes.